Quelques conseils pour éviter le « clash » avec ses associés
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1356 du 25 juin 2018
L’avocat et médiateur parisien Romain Carayol, qui a animé la commission de l’Ordre des avocats au barreau de Paris sur les difficultés d’exercice en groupe, livre quelques clés pour prévenir et résoudre les conflits entre associés.
Qu’est-ce qui le plus souvent provoque des conflits entre les associés ?
Dans la plupart des cas, le conflit naît d’une distorsion entre les projections que chacun fait dans l’association. On commence par s’associer dans les meilleures conditions, autour d’un projet commun, et puis l’on se rend compte que la réalité ne correspond pas aux aspirations de chacun. Cela génère des difficultés relationnelles, et les associés finissent par se présenter l’addition, au sens économique et au sens psychologique. Dans les petites structures, les conflits naissent souvent du fait qu’un associé développe plus le cabinet que l’autre. Et petit à petit, des comportements qui étaient acceptés depuis des années sont vus sous un prisme négatif et deviennent insupportables.
Comment peut-on prévenir ces difficultés ?
La meilleure des choses, c’est l’anticipation. Il faut bien construire son projet et identifier clairement les besoins de chacun. C’est une erreur de s’associer uniquement parce qu’on s’entend bien. Chacun des associés doit définir ses besoins économiques propres, car les situations sont différentes. Par exemple, tel associé, parent de grands enfants, devra contribuer à leurs études, alors que le parent d’enfants en bas âge n’a pas les mêmes préoccupations. Un autre voudra « mourir sur scène » alors qu’un autre voudra s’arrêter tôt et faire autre chose après avoir eu une activité intense pendant quelques années. Il faut vraiment, lors de la construction du projet, travailler sur les besoins des futurs associés, prendre en compte la différence d’âge, la complémentarité des compétences, la question des locaux etc., et structurer le cabinet sur ces bases. Il faudra également bien travailler sur la rémunération, fixer des paliers et envisager toutes les perspectives de départ.
Si l’association tourne mal, est-il opportun de faire intervenir un proche ?
S’il existe une amitié ancienne et solide entre les associés, elle contribue à maintenir le lien entre eux et permet souvent de surmonter les conflits. Mais ce n’est pas le cas si le lien d’amitié est trop récent et pas assez profond. Et lorsque le conflit surgit, il est alors préférable de ne pas demander à un proche, voire à un autre associé, de jouer les médiateurs. L’expérience montre que c’est le plus souvent une catastrophe, car si cela peut créer de la confiance, il y a toujours des limites, notamment parce que les personnes en conflit s’autorisent avec ce proche, des choses qu’ils ne se permettraient pas avec un tiers indépendant et rémunéré. En réalité il est toujours préférable de saisir un médiateur formé le plus rapidement possible.
Que peut faire le médiateur ?
Dans le cadre du processus structuré de la médiation, le médiateur peut aider les associés à se parler, à identifier leurs besoins et à trouver des solutions. Les associés en conflit sont souvent en position d’autorité et revendiquent un certain nombre de choses, qui ne correspondant pas forcément à un besoin. Le médiateur les aide à voir s’il est possible de recoller les morceaux ou s’il faut envisager une séparation définitive. Mais attention, ce n’est pas une thérapie de couple et la séparation n’est pas forcément un mal.
En va-t-il différemment dans les grandes structures ?
Les problématiques sont différentes. Dans les cabinets d’affaires, il n’est pas question de modifier la culture d’entreprise. En cas de cooptation interne, la personne est passée par toute une série d’étapes structurées en amont et le cabinet s’est assuré qu’elle répondait bien aux critères requis. Lorsque c’est une association extérieure, le cabinet sait ce que vaut la personne en termes de chiffre d’affaires et il y a un rapport économique assez favorable à son égard. Mais pour ce qui est des conditions de l’association, c’est quasiment un contrat d’adhésion pour l’avocat. Dans la relation d'associés, les grands cabinets ont des process internes pour tenter de maintenir le dialogue, mais le recours à la médiation permet souvent de rationnaliser les questions financières.