« Il faut réfléchir à un dispositif pour mieux définir la place de l’enquête interne »
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1408-1409
Entre les lignes directrices de l’AFA et la publication du très attendu rapport Gauvain, la justice pénale négociée a été l’objet de toutes les discussions avant la trêve estivale. Astrid Mignon Colombet, associée du cabinet Soulez Larivière & Associés, fait le point.
Le régime de la justice pénale négociée a été marqué par de grandes avancées. Comment percevez-vous l’effort de construction ?
En matière de lutte contre la corruption transnationale, la politique pénale française a connu de profonds bouleversements depuis 2016 à la suite de l’introduction dans notre dispositif par la loi Sapin 2 du concept de justice négociée. La lutte contre la corruption relève des actions respectives du procureur de la République financier (PRF) et de l’Agence française anticorruption (AFA). Ils ont publié pour la première fois des lignes directrices communes le 27 juin dernier. Elles précisent le régime de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) déjà esquissé par la circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du 31 janvier 2018, dans le but d’améliorer la prévisibilité du dispositif. S’inspirant de la méthode souple des lignes directrices américaines, les lignes françaises s’appuient sur l’expérience tirée des premières CJIP. Ainsi, pour la première fois, l’enquête interne, effectuée au sein de l’entreprise avec l’aide de ses avocats en cas de suspicion de faits de corruption, est explicitement mentionnée comme un acte nécessaire de coopération à l’enquête judiciaire. Jusqu’à présent, l’expression « enquête interne » n’était utilisée ni dans la loi ni dans le décret d’application. Désormais, non seulement le parquet attend de la personne morale souhaitant bénéficier d’une CJIP qu’elle participe activement à la manifestation de la vérité par la conduite d’une enquête en son sein, mais encore la personne morale doit prendre « toutes les mesures nécessaires » afin d’éviter que son enquête interne ne perturbe le déroulement de l’enquête judiciaire. Si l’établissement de lignes françaises apporte une certaine forme de prévisibilité pour les entreprises, elle suscite des interrogations sur la place de l’enquête interne et son articulation avec l’enquête judiciaire.