Quelle « langue » pour quel « expert » ?
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1381 du 21 janvier 2019
Par Jalal El Ahdab, associé, et Loïc Poullain, counsel, Bird & Bird.
Lorsqu’un expert est impliqué dans un contentieux, judiciaire (ou arbitral), ce qui est désormais quasi-systématique pour les litiges de taille significative, son rôle, son importance, ce qu’il dit – mais aussi comment il le dit et dans quelle langue – ne sont pas de maigres enjeux.
Il y a bien sûr les experts « juges » de l’article 1592 C. civ. – « à dire d’expert » entend-on encore – et les experts agissant comme arbitres, mais ce sont surtout les experts-témoins dits « conseils » qui restent une énigme en droit français, ceux nommés par une seule partie, confrontés à un expert adverse et que l’on retrouve souvent en arbitrage. Leur statut est aussi flexible que peu connu.
Déjà, au début du 20e siècle, le (sur)poids des experts était stigmatisé et aujourd’hui, avec la complexité et la technicité croissantes des litiges, ajouté au caractère ésotérique de leur langage, il est souvent difficile pour le juge (ou l’arbitre) d’évaluer leur (r)apport avec critique : on a des experts purement scientifiques – en matière de construction – financiers – pour déterminer un préjudice – et même juridiques – quand c’est une loi étrangère applicable. Ces experts, souvent trop techniques ou peu accessibles, et parfois ne parlant pas le français, ont-ils trop de place, ou la bonne place, dans un litige international et dans l’intérêt d’une bonne justice ?