Droit des affaires contre droit de la presse
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1385 du 18 février 2019
Par Frédéric Peltier, associé de Dethomas Peltier Juvigny & Associés
Y a-t-il un impérialisme du droit des affaires sur le droit de la presse ? Le bilan de l’année 2018 semble bien aboutir à cette conclusion, en dépit des craintes légitimes des défenseurs des libertés essentielles d’une démocratie.
Le 22 janvier 2018, le président du tribunal de commerce de Paris ordonnait au journal Challenges de retirer toute publication relative à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, en l’occurrence l’existence d’un mandat ad hoc concernant une enseigne de distribution renommée. Cette décision a placé les journalistes au même niveau que toutes les personnes visées à l’article L.611-15 du Code de commerce qui prévoit que « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance, est tenue à la confidentialité. »
Quoique n’étant pas partie prenante à la procédure, le journaliste peut en avoir vent, il lui serait tout de même interdit d’en parler, c’est-à-dire de faire ce qui est de l’essence même de son métier, diffuser une information. L’impératif de protection de l’entreprise en difficulté ferait donc exception à la liberté d’information. La cour d’appel de Paris vient de le confirmer dans un arrêt du 7 février 2019 : « L’obligation faite aux organes de presse de ne pas diffuser des informations couvertes par l’article L-611-15 du code de commerce, à moins que ces informations ne contribuent à la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général apporte une restriction manifestement proportionnée aux droits et libertés d’information en ce qu’elles visent à protéger les intérêts de l’entreprise (…) » Silence donc, cette censure est d’un intérêt économique bien plus fort que celui de la liberté d’information.