Quelle place pour le community management dans un cabinet d'avocats ? 3 questions à l'agence Enderby
En vogue dans le domaine de la communication, le "community management" fait peu à peu son apparition dans les cabinets d'avocats. En relation directe avec les clients et les prospects sur les réseaux sociaux, le community manager doit notamment veiller à l'e-réputation du cabinet sur le web. Quels sont les enjeux du community management dans un cabinet d'avocats ? Pourquoi l'intégrer dans sa stratégie de communication ? Éléments de réponse avec Delphine Jouenne et Cyril Chassaing, associés fondateurs d'Enderby, cabinet de conseil en stratégies de communication, relations publiques et influence.
1) En quoi consiste votre travail de community manager pour un cabinet d’avocats ?
Le terme anglo-saxon community management peut sembler barbare pour une population d’avocats, y compris les avocats d’affaires pourtant censés être, par définition, business friendly.
Le terme anglo-saxon « community management » peut sembler barbare pour une population d’avocats, y compris les avocats d’affaires pourtant censés être, par définition, business friendly.
Nous préférons donc parler de stratégie digitale, plus globale, plus concrète aussi. Cela nécessite de se poser, au préalable, les bonnes questions : quelles cibles clients et prescripteurs ? Quel(s) réseau(x) et quelle utilité ? Quelle présence, quelle fréquence et quels contenus ? Et enfin, quelles spécificités pour un métier de conseil comme celui de l’avocat et pour quel retour sur investissement ?
Nous intervenons à trois niveaux auprès de nos clients, en conseil stratégique comme en accompagnement opérationnel pour les aider à passer d’une communication traditionnelle à une communication 360° intégrant le numérique :
- Dans la définition d’une stratégie de communication digitale et d’une charte d’utilisation adaptées au cabinet et à l’ensemble des collaborateurs, avec une analyse préalable de l’utilisation des réseaux sociaux par les principaux concurrents, offrant ainsi la possibilité à la structure d’être autonome au quotidien. Cette démarche induit généralement une réflexion sur le webdesign (création ou refonte de site web) et/ou sur la stratégie de contenus (newsletters, études, articles, blog…) pouvant être produits ou orchestrés par notre équipe.
- Dans le développement au quotidien de la visibilité on line et de l’interaction avec les internautes cibles (en prenant la main directement sur les comptes Linkedln et Twitter du cabinet, par exemple), en externalisation totale ou en coordination avec une équipe communication en interne. Ou encore sur une période donnée, le temps d'insuffler une culture et des bonnes pratiques en matière digitale et de former la personne qui sera chargée de prendre le relais en interne. Ceci peut aussi être le cas lors d’une période de transition (départ, long congé…), en assurant le community management.
- Dans la formation des associés, des office managers et des responsables ou chargé(e)s du marketing et de la communication à l’utilisation des réseaux sociaux, et surtout, pour en adapter la pratique afin d’en faire un vrai levier d’influence au service du développement commercial.
2) Pour quelles raisons un cabinet d’avocats devrait-il être présent sur les réseaux sociaux aujourd’hui ? Peut-on vraiment développer son chiffre d’affaires grâce aux réseaux sociaux ?
Leur présence est certes plus marquée sur Linkedln que sur Twitter mais on est encore bien loin des pratiques observées dans le monde de l’entreprise.
Face à une pression concurrentielle qui n’a jamais été aussi forte pour le métier d’avocat, les avocats d’affaires sont plus que jamais appelés à faire évoluer leur modèle, et donc leurs pratiques de développement et de communication. Quitte à actionner un levier encore peu intuitif pour eux : le numérique.
Nous avions d’ailleurs constaté ce caractère peu intuitif en publiant fin 2015 une étude décryptant l’activité sur les réseaux sociaux des 100 plus importants cabinets d’avocats d’affaires en France et de leurs dirigeants. Avec seulement 31 cabinets disposant d’un compte sur Twitter (61 sur Linkedln) et 11 managing partners présents sur Twitter (68 sur Linkedln), cette étude révélait à quel point le numérique était encore trop peu exploré par cette profession. Leur présence est certes plus marquée sur Linkedln que sur Twitter mais on est encore bien loin des pratiques observées dans le monde de l’entreprise.
Ces résultats sont assez symboliques du comportement de la profession face au numérique. Les avocats d’affaires sont encore sur la réserve vis-à-vis des réseaux sociaux, lesquels ne sont pas perçus comme un levier de visibilité auprès des influenceurs, et encore moins auprès des clients et prospects.
Il existe toutefois de réelles disparités entre les grands cabinets d’affaires et les avocats indépendants, souvent plus actifs sur les réseaux sociaux et disposant donc d’une communauté de followers et d’une sphère d’influence bien plus significative. Ce n’est donc pas une guerre de moyens comme certains pourraient le penser, mais plutôt une réflexion de bon sens : penser d’abord à ses clients, leurs problématiques, leurs besoins, mais aussi leurs comportements et leurs pratiques, avant de penser à soi-même.
Peut-on alors développer son chiffre d’affaires grâce aux réseaux sociaux ? La même question se pose aux avocats lorsqu’ils écrivent et publient des articles, interviennent dans des conférences ou « réseautent » dans des cocktails…
Peut-on alors développer son chiffre d’affaires grâce aux réseaux sociaux ? La même question se pose aux avocats lorsqu’ils écrivent et publient des articles, interviennent dans des conférences ou « réseautent » dans des cocktails… Est-ce que cela rapporte directement du chiffre d’affaires ou participe durablement à la notoriété et à l’image du cabinet et de ses avocats, et donc aux appels entrants et pré-sélections dans les appels d’offres ? Les réseaux sociaux ne remplacent évidemment pas le système classique du networking ni les efforts en matière de développement. Ils en sont simplement un levier complémentaire, d’influence, avec lequel les avocats doivent désormais apprendre à composer.
Le Chief Digital Officer aura-t-il un avenir dans les cabinets d’affaires pour orchestrer la digitalisation et insuffler la culture des réseaux sociaux à tous les étages ?
D’ailleurs, une question de gouvernance commence à se poser pour les cabinets. Fonction devenue incontournable dans le monde de l’entreprise, le Chief Digital Officer aura-t-il aussi un avenir dans les cabinets d’affaires pour orchestrer la digitalisation et insuffler la culture des réseaux sociaux à tous les étages ?
3) Quels conseils donnez-vous aux cabinets que vous accompagnez afin qu’ils puissent utiliser les réseaux sociaux à bon escient ?
Utilisés à bon escient, les réseaux sociaux peuvent être de vrais atouts pour les avocats d’affaires afin de se démarquer de la concurrence et mettre en avant leur valeur ajoutée. Il leur faut donc accepter de ré-inventer parfois des méthodes classiques de développement et de communication et le temps alloué à celles-ci. Mais il faut aussi bien comprendre une profession déjà bousculée à plusieurs reprises depuis le début des années 2000 avec l’arrivée successive d’une culture marketing et de techniques de communication pour se « vendre ». Ainsi, les conseils s’appliquent autant aux avocats qu’aux professionnels de la communication qui les accompagnent, en interne ou en externe : des convictions et de la détermination, certes, mais aussi beaucoup de patience et d’humilité pour obtenir des résultats tangibles.