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Guillaume Nonain, la force tranquille

Par Ondine Delaunay - Photographies Mak Davies

Guillaume Nonain est un homme heureux. Ayant rejoint le groupe il y a près d’une décennie, le directeur juridique EMEA & APAC de Brink’s estime encore qu’aucune journée de travail ne se ressemble. Même si la période a été difficile, la crise sanitaire n’a pas mis fin à ses nombreux projets professionnels.

«Je ne suis ni voileux, ni golfeur, ni grand amateur de vin comme certains de mes confrères. J’ai plutôt des passe-temps de geek, je suis passionné par les jeux, la science-fiction et le fantastique, tant au niveau de la littérature que du cinéma. L’adolescent que j’étais est toujours là », annonce Guillaume Nonain avec un large sourire et une simplicité désarmante. Assurément le directeur juridique EMEA & APAC de Brink’s est un homme d’une fidélité et d’une honnêteté qui l’honorent. Et, au-delà bien sûr d’une technicité juridique sans faille, c’est ce caractère heureux qui lui a sans aucun doute ouvert la voie de la réussite.

Ce n’était pourtant pas écrit d’avance. Car Guillaume Nonain, qui a grandi à Rueil-Malmaison, n’est pas issu d’une famille de juristes. Il raconte : « J’étais un piètre lycéen et je ne savais pas ce que je voulais faire dans la vie. J’ai donc été orienté vers un baccalauréat technologique de série G, en général réservé aux étudiants qui ne sont pas destinés à faire de longues études. Par un heureux hasard, c’était la seule filière, à l’époque, à proposer l’option droit que j’ai immédiatement adorée ». Il poursuit : « La majorité des étudiants qui arrivaient en première année de droit avaient obtenu un baccalauréat A ou B et découvraient totalement les matières juridiques sur les bancs de la faculté. Pour ma part, je savais parfaitement à quoi m’attendre ». Pour rajouter une corde à son arc, il réussit avec brio le test de langue de l’université de Nanterre pour intégrer le DEJA, un double cursus de droits français et anglais. Une formation qu’il apprécie en raison de la complémentarité entre l’enseignement général de droit français en amphithéâtre et celui de droit anglais, composé de professeurs anglais et américains, se tenant en petits groupes et ponctué de cours de littérature et de culture juridique. Pour sa cinquième année, direction l’université de Reading, en Angleterre, où il suit un LLM de droit des affaires. Cet apprentissage lui aurait notamment permis d’acquérir un fort esprit de synthèse, d’une grande utilité pour la suite de sa carrière.

Dans le cadre de ses cours de droit anglais, il assiste à des exercices de plaidoirie qui piquent sa curiosité. Il s’inscrit alors à l’examen d’entrée au CRFPA, mais un peu en dilettante puisqu’il sait déjà qu’il doit partir effectuer son service militaire quelques mois plus tard. « À ma grande surprise, j’ai été reçu du premier coup », raconte-t-il. Retardant son entrée à l’école des avocats de Versailles d’une année, il rejoint pour quelque mois le service contentieux du ministère de la Défense tout en effectuant, en parallèle, un DESS de juriste européen.

La découverte de la profession d’avocat

Avant même d’avoir terminé son année à l’EFB, Guillaume Nonain est contacté par August Debouzy. Composé d’une vingtaine d’avocats, le cabinet a été créé un an plus tôt par Gilles August et Olivier Debouzy. Après un entretien rapide, le premier lui fait immédiatement une offre. « J’ai sauté sur l’occasion car il s’agissait d’un jeune cabinet, extrêmement dynamique, fonctionnant en mode start-up et intervenant aussi bien pour des clients internationaux que français », se rappelle-t-il. Il les rejoint en décembre 1996 et c’est là qu’il apprend véritablement le métier d’avocat. «Olivier Debouzy était quelqu’un de très exigeant. Le premier mémo que j’ai écrit en cabinet m’a été renvoyé par l’associé entièrement rayé avec écrit en rouge ‘absurde’. Je me suis dit que j’avais peut-être choisi le mauvais métier, raconte-t-il en plaisantant. Avec lui, j’ai appris la rigueur, le sens de l’analyse et l’attente des clients. Près de 25 ans plus tard, j’applique toujours ses conseils qui font que – je l’espère – on ne trouve plus mes notes absurdes aujourd’hui ».

Fin 1997, Guillaume Nonain ne le sait pas encore mais il est à un tournant de sa carrière. Le cabinet le détache six mois chez son client Philip Morris France, la filiale ne bénéficiant pas de juriste en interne. Une rotation qui n’enchante pas vraiment le non-fumeur. « J’y suis allé à reculons car j’avais découvert l’univers très excitant des cabinets et je ne me voyais pas aller en entreprise, raconte-t-il. Pourtant, j’ai découvert une industrie et un métier passionnants, notamment l’immédiateté dans le conseil apporté et le fait de se retrouver plongé au cœur du business ». À la fin des années 1990, l’industrie du tabac fait l’objet de nombreuses actions judiciaires aux États-Unis. Les filiales internationales, dont Philip Morris France, essayent de se prémunir des problèmes juridiques qu’elles connaissent outre-Atlantique en solidifiant leurs équipes en interne. « En plus de conseiller la filiale française, nous étions chargés, avec un second avocat détaché, plus senior, de la création d’un département juridique, avec tout ce que cela implique en termes de process et de culture interne, souligne Guillaume Nonain. Je ne suis pas sûr, qu’aujourd’hui, une entreprise souhaitant créer un département juridique, se tournerait naturellement vers un cabinet d’avocats. Elle ferait probablement appel à un cabinet de conseil en stratégie ou en organisation d’entreprise ». Philip Morris France embauche une directrice juridique à qui les avocats remettent les clés. Puis il retourne chez August Debouzy. Et là, il commence à se poser des questions. « Le cabinet avait beaucoup évolué en six mois et quelques personnes avec qui j’appréciais travailler étaient parties », explique-t-il. C’est alors que le jeune avocat est approché par Gibson Dunn. Il est séduit par le fait qu’il s’agisse d’un cabinet américain, d’origine californienne et non New-Yorkaise. « J’ai rejoint le cabinet en septembre 1999 alors qu’il était dans une phase de développement et de croissance en Europe et notamment France, indique Guillaume Nonain. À mes yeux, il s’agissait d’un projet très intéressant car international ». Il travaille jusqu’en 2005 aux côtés de Bernard Grinspan, « un avocat impressionnant en M&A et un négociateur hors pair auprès duquel j’ai beaucoup appris ». Guillaume Nonain se spécialise en M&A, même s’il intervient sur quelques contentieux et découvre le droit de la concurrence. « Ma pratique chez Gibson Dunn comportait une particularité, qui était le fait de travailler avec de nombreuses filiales françaises de groupes américains, dont Tyco, qui effectuaient d’importantes acquisitions et n’avaient pas de juriste en France. À l’instar ce que j’avais vécu chez Philip Moris France, mais sans être détaché cette fois-ci, j’étais en prise directe avec les opérationnels et j’adorais ce sentiment de faire partie d’une équipe, mais aussi d’être au cœur de l’entreprise ».

Le passage en entreprise

Vient l’heure du choix. Guillaume Nonain a environ neuf ans de pratique en tant qu’avocat. Il sait que s’il espère un jour être coopté au rang d’associé, il doit se concentrer sur le M&A et délaisser le droit de la concurrence, les contrats commerciaux et le contentieux qu’il affectionne tant. « Je me suis rendu compte que, même si j’adorais exercer chez Gibson Dunn, faire du M&A n’est pas forcément ma vocation première, indique-t-il. Être mêlé aux équipes opérationnelles était ce que j’appréciais le plus ». Un de ses amis, juriste au sein de l’équipementier automobile français Valeo, à qui il fait part de ses états d’âme, lui propose de lui arranger un entretien de courtoisie avec le directeur juridique du groupe. Géric Lebedoff cherche justement un juriste ayant une appétence pour le droit de la concurrence pour remplacer la directrice juridique de l’une de ses branches. Guillaume Nonain fait alors le grand saut et rejoint l’entreprise début 2005, en tant que directeur juridique de Valeo services. Mais le juriste découvre complètement l’industrie automobile, lui qui n’était ni un fan ni un expert du milieu à l’époque. « À cette époque, Valeo était un groupe français industriel avec une culture très dure, différente de celle d’un groupe américain, explique Guillaume Nonain. Le gap culturel était immense, mais ma formation d’avocat m’a permis de m’adapter très rapidement ». Dix-huit mois plus tard, le groupe réduit ses coûts et supprime tous les postes de directeur juridique de branche pour ne garder qu’une équipe juridique réduite. Le choc. « Mon départ de Valeo, en novembre 2006, a été un peu violent, même si je suis conscient qu’il n’y avait rien de personnel, poursuit-il. Avec le recul, j’ai réalisé que c’était la meilleure chose qui pouvait m’arriver puisque cela m’a permis d’entrer chez Goodyear peu de temps après ». En février 2007, il rejoint le producteur et vendeur de pneus Goodyear Dunlop Tires France, en tant que directeur juridique Europe du Sud. Il est en charge de la France et des pays du pourtour méditerranéen. « Une fois encore, j’ai découvert un monde que je ne connaissais pas puisque je n’étais même pas en mesure de changer un pneu à l’époque, plaisante une fois encore Guillaume Nonain. Lorsque le chasseur de tête m’a demandé ce qu’évoquaient à mes yeux les marques Goodyear et Dunlop, la première chose qui m’est venue à l’esprit était les petites voitures de mon enfance ». Pendant presque cinq ans, Guillaume Nonain vit une expérience qu’il qualifie de passionnante et diversifiée. Il retrouve la culture américaine qu’il avait chez Gibson Dunn. Un style de travail direct qui lui convient bien. « Goodyear a vraiment été une étape très formatrice dans ma carrière et c’est à cette époque que j’ai appris le métier de juriste, souligne Guillaume Nonain. J’ai eu la chance de relever du directeur juridique EMEA, Dominique Golsong, qui m’a formidablement guidé dans la fonction ».

À cette époque, Guillaume Nonain développe aussi son intérêt pour ce qui fait la profession de directeur juridique elle-même et intègre le Cercle Montesquieu où il se révèle assez vite très actif, jusqu’à devenir le secrétaire général de la prestigieuse association pendant cinq ans. « Le Cercle a été une incroyable source de rencontres, d’idées et d’amitiés, mais aussi de travail ! ». Aujourd’hui redevenu simple membre, Guillaume Nonain souligne toujours le rôle clé des associations professionnelles, « souvent sources de soutien pour le juriste dont la fonction est par nature plutôt solitaire ».

Chez Goodyear, il intervient sur plusieurs dossiers marquants, notamment un contentieux stratégique contre Michelin en droit de la concurrence ayant vocation à permettre au réseau de distribution lié à Goodyear de vendre des pneus Michelin aux mêmes conditions que le groupe. Au bout de deux années de contentieux, est conclu un arrangement via des engagements qui convient à Goodyear et à l’Autorité de la concurrence. Guillaume Nonain bénéficie alors d’une exposition au plus haut niveau du groupe. « Il s’agissait d’un sujet fondamental pour aider le business du réseau de distribution de Goodyear à se développer, souligne-t-il. Le business a vraiment vu l’apport que pouvait avoir la fonction juridique, puisque nous avons réussi à ce que Michelin ouvre sa politique commerciale à un réseau de distribution qui n’était pas le sien ». Mais une fois passée l’excitation, quel avenir au sein du groupe ? Les perspectives d’évolution semblent limitées. C’est alors qu’un coup de fil tombe à point nommé : Brink’s, le fournisseur de solutions logistiques et de sécurité, cherche un directeur juridique EMEA.

Chez Brink’s depuis bientôt une décennie

La proposition est alléchante : on lui propose un poste équivalent à celui de Dominique Golsong dans un groupe américain coté sur NYSE, avec une culture américaine et décentralisée. Guillaume Nonain s’identifie rapidement à la marque, même si le domaine de la sécurité et du transport de fonds lui était, là encore, inconnu. Il rejoint le groupe en avril 2011, en tant que directeur juridique EMEA. À la tête d’une équipe composée d’une vingtaine de personnes (juristes et paralégaux), il découvre de nombreuses cultures juridiques d’Europe de l’Est et du Moyen-Orient, tel que le droit coutumier jordanien.

Quelques mois après son arrivée, un nouveau CEO est nommé. Et il décide de se retirer de nombreux pays d’Europe où le groupe est déficitaire. Guillaume Nonain s’engage alors dans quatre années de M&A, où les filiales sont vendues à tire-larigot. Le directeur juridique EMEA voit, avec regret, son périmètre se réduire considérablement. En 2015, il réactive son réseau. Mais le directeur juridique groupe, basé aux États-Unis, lui demande d’être patient et lui annonce des changements imminents. La nomination d’un nouveau CEO à l’échelle mondiale est annoncée peu de temps après. Et le groupe décide de réinvestir énormément en Europe dans le cadre d’une nouvelle stratégie de croissance. L’an dernier, il a signé la plus importante acquisition de son histoire en rachetant les activités fiduciaires de son concurrent anglais G4S, spécialisé dans la fourniture de services et de solutions de sécurité aux entreprises. Cette opération couvrait 17 pays dont 14 nouveaux marchés et a permis à Brink’s d’étendre sa présence de 41 à 55 pays, en renforçant significativement ses positions en Europe et en Asie notamment. Guillaume Nonain se retrouve avec un périmètre encore plus étendu que lorsqu’il a rejoint le groupe. En juin, il est promu general counsel EMEA & APAC. Il est désormais en charge de l’Europe, du Moyen-Orient, de l’Afrique, de l’Asie et du Pacifique – en définitive tout sauf les Amériques – pour toutes les lignes d’activités, tout en étant membre du Comité exécutif France, l’un des pays les plus importants du groupe hors des États-Unis.

Quelle est la prochaine étape pour Guillaume Nonain ? « Malgré un léger creux il y a 4-5 ans, je suis désormais dans une phase de ma carrière que je considère comme très excitante et valorisante chez Brink’s, souligne-t-il. J’accueille tous ces nouveaux pays et ma feuille de route est stimulante pour les années à venir ». Et le directeur juridique EMEA & APAC de conclure : « Je pense que je ne vais pas m’ennuyer ! J’ai plein de nouveaux collègues à rencontrer et de business à découvrir ». 

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