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Desfilis : le cabinet qui monte, qui monte…

Par Chloe Enkaoua

Cet article est paru dans LJA Le Magazine n°46 janvier/février 2017

En 2020, le cabinet Desfilis fêtera ses 100 ans. Un siècle au cours duquel cette structure spécialisée dans le conseil aux entreprises familiales a connu plusieurs vies. Et affiche aujourd’hui son allant, plus fringante que jamais. Rencontre.

C’est une maison qui a ses petites habitudes. Dédié aux entreprises familiales, le cabinet Desfilis n’a toujours connu que le quartier cossu du 8e arrondissement de Paris, passant de l’avenue Franklin D. Roosevelt où il avait vissé sa plaque en 1920, à la rue Clément Marot en 2005. De fait, sa fidèle clientèle – groupes familiaux, particuliers, entrepreneurs et dirigeants, fonds d’investissement… – ne perd pas non plus ses repères. Et cela tombe bien car le cabinet, qui n’accorde que peu d’intérêt au “one shot”, entend tout mettre en œuvre pour la satisfaire et construire une relation qui s’inscrit dans le temps. Un modus operandi qui ne date pas d’hier.

Prestige, relations et tradition
Tout commence en 1920. Les notaires perdent alors le monopole des actes de société et un certain Jean Jennequin, ancien responsable juridique des usines Renault, y voit une place à prendre. Il pose donc la plaque de son cabinet d’avocat, qui compte d’emblée parmi ses clients des noms aussi prestigieux que Louis Renault, Christian Dior ou encore Gustave Leven (eaux minérales Perrier). Tous de fidèles amis du fondateur. En 1936, Étienne Jay et François Parlier, issus de la haute bourgeoisie parisienne, rejoignent le cabinet qui devient Jay & Parlier. Eux non plus ne sont pas en reste en termes d’illustres connaissances, et le cabinet n’en finit plus d’ajouter des noms qui comptent à son portefeuille de clients : les banquiers Elie et Guy de Rothschild, l’homme d’affaires Sylvain Floirat, le couturier Jacques Fath, les écrivains Colette et Françoise Sagan… Pour l’anecdote, les associés racontent que c’est suite à une recommandation de François Parlier au général De Gaulle, qui cherchait alors un ministre de l’Économie, que Georges Pompidou est devenu président de la République.

Pour l’anecdote, les associés racontent que c’est suite à une recommandation de François Parlier au général De Gaulle, qui cherchait alors un ministre de l’Économie, que Georges Pompidou est devenu président de la République.


Mais lorsqu’Étienne Jay décède dans les années 1960, le cabinet commence doucement à péricliter. À une époque où un cabinet tel que Gide se développe à tout va, les associés n’ont pas anticipé le changement de génération. Et en 1985, au moment où José Desfilis intègre en qualité d’associé la structure devenue Parlier & Clément, le cabinet ne compte plus que trois avocats. « Il ne restait plus qu’un petit filet d’eau, un chiffre d’affaires très faible, mais il subsistait une culture très particulière, se souvient José Desfilis. J’y ai découvert des avocats qui entretenaient une très grande proximité avec leurs clients, mais aussi entre eux. Par exemple, lorsque je suis arrivé, j’ai racheté la clientèle de l’un des associés qui partait ; il m’a dit de ne lui donner que la moitié du prix, et de donner l’autre aux collaborateurs du cabinet car c’était grâce à eux que le cabinet existait. J’ai tout de suite approuvé et adopté cette culture du partage. »

Électrochoc
En 1990, José Desfilis prend la direction de la structure. Le cabinet Desfilis est né. Dès lors, l’associé n’aura de cesse de dépoussiérer l’image et d’affiner le positionnement du cabinet, qui s’adresse majoritairement aux entreprises familiales. « Derrière le chef d’entreprise, il y a aussi un homme avec une famille, et donc toute une problématique de gouvernance familiale et de transmission de l’entreprise à gérer, rappelle-t-il. Arrivées à une certaine taille, ces entreprises rencontrent aussi des problématiques de financement, de private equity… Nous avons donc dû nous équiper pour répondre à tous leurs besoins. » Et d’évoquer « l’électrochoc » ressenti le jour où l’un de ses fidèles clients lui a préféré le cabinet Jeantet pour une émission d’OBSAR : « Je ne savais même pas ce que c’était ! Le deal m’a échappé malgré notre relation, tout simplement parce que je n’avais pas le produit en face pour répondre à ses besoins. »

Nathalie Hollier-Cheynet, arrivée au cabinet en 1998 comme collaboratrice et aujourd’hui associée en M&A, est un exemple de ces “bébé Desfilis”.


Un mal pour un bien puisque, depuis ce jour-là, José Desfilis s’est lancé en quête des nouveaux talents capables de traiter tous les aspects des dossiers des clients. De jeunes avocats, de préférence, afin de les former plus facilement à la culture du cabinet qu’une “star” débarquant avec son ego et ses idées arrêtées. Nathalie Hollier-Cheynet, arrivée au cabinet en 1998 comme collaboratrice et aujourd’hui associée en M&A, est un exemple de ces “bébé Desfilis”. Petit à petit, de proche en proche et par le bouche à oreille, le cabinet rebâtit également une clientèle. Et en 2007, Desfilis se rapproche du cabinet Mandel & McGowan et de ses associés Aline McGowan et Frédéric Mandel, spécialistes du contentieux – une pratique que le cabinet jusque-là sous-traitait.

Effet boule de neige
La rencontre avec Frédéric Pinet, qui finit par rejoindre Desfilis en 2011 en qualité d’associé spécialisé en fusions & acquisitions, va définitivement booster le développement du cabinet. Arrivé tout droit d’Ashurst, où il a exercé pendant 14 ans et dont il a été le managing partner à Paris de 2004 à 2010, ce dernier est en quelque sorte l’aimant qui va attirer chez Desfilis des avocats en provenance de grands cabinets. José Desfilis aura pourtant mis du temps à le convaincre. Onze ans précisément, au cours desquels il n’a cessé de lui passer des coups de fil. « J’étais bien où j’étais, explique Frédéric Pinet. Mais au bout de quelques années, Ashurst est devenue une énorme partnership, avec toutes les contraintes que cela représente. En 2011, j’ai eu envie de retourner à un métier d’avocat plus traditionnel, avec une vraie proximité avec les clients. »

S’ensuivra ce que José Desfilis décrit comme un « effet boule de neige » : d’ex-recrues de grands cabinets de la place franchissent eux aussi le Rubicon pour rejoindre Desfilis


S’ensuivra ce que José Desfilis décrit comme un « effet boule de neige » : d’ex-recrues de grands cabinets de la place franchissent eux aussi le Rubicon pour rejoindre Desfilis, à l’instar de Guillaume Giuliani, arrivé en 2013 en qualité d’associé spécialisé en M&A après plusieurs années passées chez Bredin Prat. « Lorsque j’ai été approché par Desfilis, j’avais l’âge de m’associer et de passer un cap, affirme ce dernier. Je ne connaissais pas du tout le cabinet à l’époque, mais le projet et les personnes qui le composaient m’ont séduit. » « Je pense que les gens qui nous ont rejoint avaient, à ce stade de leur carrière, envie de ce type de relation avec les clients, mais aussi avec les autres associés et collaborateurs, analyse José Desfilis. Ici, les équipes ne se font pas de chausse-trappe et tout le monde travaille ensemble et au service d’une seule clientèle. »

La même envie de faire grandir un cabinet
Environ deux ans plus tard, en 2015, le cabinet décide également de mettre l’accent sur le private equity en débauchant Philippe Rosenpick et Isabelle Buffard-Bastide, deux associés en corporate en provenance de CMS Bureau Francis Lefebvre, où ils ont tous deux passé la majeure partie de leur carrière et où Philippe Rosenpick a dirigé pendant quelques années la pratique dédiée aux opérations transactionnelles. « L’idée de greffer du transactionnel sur du patrimonial nous semblait être un pari gagnant pour le futur, explique Isabelle Buffard-Bastide. Nous avons en outre rencontré des gens très humains, dont nous partagions les valeurs et la culture. » Un avis que partage Philippe Rosenpick : « Ici, nous ne sommes pas que des hommes de dossiers mais des hommes de clients. Les avocats ont également un rôle social au-delà de leurs dossiers, et la manière d’exercer chez Desfilis nous permet de revenir à cela. »
Dernière arrivée en date, Sophie Fournier-Dedoyard est venue en septembre dernier renforcer les équipes fiscales et transactionnelles du cabinet en tant qu’associée. Elle exerçait auparavant chez Ernst & Young Société d’Avocats, où elle était devenue l’un des plus gros contributeurs de la structure en termes de chiffre d’affaires. Elle non plus n’avait auparavant jamais entendu parler de Desfilis, mais ce projet d’entrepreneurs l’a immédiatement séduite. « J’avais envie de retrouver un véritable esprit de partnership, une plus grande liberté d’action et d’agilité commerciale, explique-t-elle. Chez Desfilis, j’ai trouvé des associés qui partagent le même état d’esprit et l’envie de faire grandir un cabinet. »

S’inscrire dans le temps
En tout, il aura fallu trente ans pour concrétiser le modèle rêvé par José Desfilis à son arrivée au cabinet. « Nous ne sommes pas allés chercher des associés qui apportaient une clientèle mais des individualités, et cela prend du temps de faire venir des gens de qualité », justifie-t-il. Aujourd’hui, le cabinet compte une vingtaine d’avocats dont dix associés, couvrant les domaines du corporate, de la fiscalité, du droit social et du contentieux patrimonial et des affaires. Reste encore, selon lui, à étoffer le droit social et le volet financement du private equity. Le tout, en préservant une croissance maîtrisée afin de continuer à « fournir des prestations haut de gamme aux clients ».

Pour eux, avec un chiffre d’affaires en augmentation de 20 % par rapport à l’an dernier et une entrée remarquée sur la scène médiatique, notamment grâce aux récentes opérations Petit Forestier/Fraikin et Michel et Augustin/Danone, ils ont de toute façon tout gagné


Des moments difficiles ? Les associés assurent d’une même voix qu’il n’y en a jamais eu. À peine acceptent-ils d’évoquer le récent départ de l’associée fiscaliste Madeleine Fabre, partie rejoindre Ginestié Magellan Paley-Vincent en septembre dernier, soulignant simplement le manque de synergies et de compatibilité de sa clientèle de wealthy people étrangers avec celle du cabinet. Pour eux, avec un chiffre d’affaires en augmentation de 20 % par rapport à l’an dernier et une entrée remarquée sur la scène médiatique, notamment grâce aux récentes opérations Petit Forestier/Fraikin et Michel et Augustin/Danone, ils ont de toute façon tout gagné. Une réussite due avant tout à la diversification de la clientèle, qui va aujourd’hui du dirigeant et de l’entrepreneur au manager en passant par le fonds d’investissement. « Nous avons été repérés par le marché comme l’un des cabinets de pointe sur les management packages, commente Guillaume Giuliani. Et lorsqu’on travaille pour des managers, cela attire forcément les fonds. » Desfilis entend toutefois continuer à accorder une importance particulière à sa clientèle de dirigeants, accompagnée de génération en génération. « Nous grandissons avec eux, souligne Nathalie Hollier-Cheynet. Notre relation avec nos clients s’inscrit dans le temps. »
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