Avocat en entreprise, legal privilege : trois questions à Nicolas Guérin, président du Cercle Montesquieu
Le 5 avril dernier, Nicolas Guérin a été élu président du Cercle Montesquieu. Un mandat de trois ans au cours duquel le directeur juridique d’Orange entend notamment aborder la question de l’évolution du droit. Et poursuivre les actions pour la reconnaissance du statut d’avocat en entreprise et du legal privilege.
Que pensez-vous des travaux actuels du CNB sur la place de l’avocat dans l’entreprise et, plus particulièrement, de leur proposition d’encadrer le détachement et de créer un avocat libéral en entreprise ?
N. G. : Le détachement est un exercice extraordinaire pour rapprocher les avocats des entreprises, que nous favorisons. Or, encadrer le détachement est le meilleur moyen de le limiter… Par ailleurs, laisser l’avocat exercer libéralement signifie qu’il doit rester totalement indépendant de l’entreprise. Quel est le gain pour les sociétés qui vont louer des mètres carrésà ces avocats ? On cherche à imposer aux entreprises une offre de services dont elles ne veulent pas, c’est assez surréaliste. Personne ne nous a consultés à ce sujet.
Le président de l’ACE, Denis Raynal, a déclaré dans la Lettre des juristes d'affaires du 29 mars 2016 que son syndicat et les associations de juristes d’entreprise iraient voir les pouvoirs publics sans le CNB pour faire avancer le statut d’avocat en entreprise. Est-ce également votre idée ?
N. G. : Cela me paraît aller dans le bon sens. L’ACE est composé d’avocats qui nous connaissent bien et qui font des propositions concrètes correspondant aux attentes des entreprises. Si l’ACE nous demande de nous associer à elle dans ses démarches auprès du gouvernement, nous le ferons.
Statut d’avocat en entreprise ou reconnaissance de la confidentialité des écrits : quelle est votre priorité ?
N. G. : La confidentialité, qui pose réellement un problème de pratique de notre profession au quotidien. Mais je pense que d’autres sujets vont bientôt faire de l’ombre à cette problématique de confidentialité, comme la virtualisation et l’ubérisation des services juridiques. Avec le numérique, les professions du droit risquent d’être exercées en France depuis l’étranger. S’il existe des prestations centralisées sur Internet à moindre frais, comment justifier aux directions générales des tarifs plus élevés que ces modèles ubérisés ? Je pense que les avocats n’ont pas encore compris ce qui attend la profession si nous n’anticipons pas cela rapidement tous ensemble, en harmonisant les fonctions et en créant une fonction unique.
Propos recueillis par Chloé Enkaoua
Cette interview dans son intégralité a été publiée dans la LJA n°1254 du 2 mai 2016