3 questions à Philippe Derouin, nouveau président d'IFA-France
Philippe Derouin, avocat fondateur du cabinet éponyme, a été nommé président du groupement français de l'International Fiscal Association (IFA). Il succède à Philippe Durand, associé de PwC Avocats, dont le second mandat était arrivé à terme. Entretien.
Pouvez-vous nous présenter le groupement français de l’IFA ?
Philippe Derouin : Il s’agit de la branche française de l’International Fiscal Association, créée en 1938, qui regroupe plus de 12 500 professionnels de la fiscalité de 113 pays et constitue la plus grande communauté fiscale mondiale. Le groupement français, IFA France, est la seule association consacrée à la fiscalité qui réunit des membres de l'administration, des juridictions administratives et judiciaires, des universitaires, des entreprises et leurs conseils (avocats, notaires, experts comptables). Forte de près de 500 adhérents, 400 personnes physiques et 100 entreprises et organismes, IFA France représente la richesse et la diversité de la communauté fiscale française.
L’IFA organise chaque année un congrès mondial, auquel participent naturellement ses membres du groupement français, en présentant d’abord des rapports écrits sur les deux principaux sujets de ce colloque, ensuite en animant ou assistant aux séminaires. IFA France organise une soirée annuelle d’étude à Paris sur un thème d’actualité. Cette année, ce fut un grand cru sur « les aides d’État », avec la participation de membres de l’administration fiscale française, d’un représentant de la Commission européenne et d’un fonctionnaire de l’administration américaine. Nous organisons aussi régulièrement des matinées fiscales sur des sujets plus ciblés. D’autres moments forts sont les rencontres bilatérales ou trilatérales avec nos voisins : en Italie en 2014, avec la Suisse en 2015 et cette année, avec la Belgique et le Luxembourg. Outre ces manifestations publiques, il nous arrive de constituer des groupes de travail sur un projet particulier. Nous pouvons ainsi mobiliser à bref délai, pratiquement sur toute question ayant des incidences en fiscalité internationale, une équipe d’experts fiscaux provenant d’horizons divers, totalisant entre eux de 200 à 400 ans d’expérience, qui se connaissent pour la plupart et sont prêts à travailler ensemble.
Sur quels thèmes portent les réflexions menées actuellement au sein d’IFA France ?
P. D. : Ils sont largement déterminés par l’actualité et les centres d’intérêt de nos adhérents. Depuis plusieurs années, nous suivons les développements du programme BEPS ("Base erosion and profit shifting" ou « érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices ») engagé par l’OCDE. De même, nous sommes attentifs au « paquet anti-évasion fiscale » de l’Union européenne et ses implications en France. Ce fut un des thèmes de la rencontre trilatérale avec nos collègues belges et luxembourgeois au mois de juin dernier. Nous organisons aussi des matinées fiscales sur l’actualité jurisprudentielle dont tout récemment sur les décisions du Conseil d’État relatives à la résidence fiscale des personnes non imposables. Prochainement, une matinée sera dédiée à la déduction de la TVA par les établissements de sociétés étrangères. Le régime fiscal des réorganisations de sociétés, assez ancien, mériterait d’être revu, surtout après les récentes lois de simplification et la pratique qui se développe des fusions et réorganisations internationales, de manière à lever les obstacles fiscaux qui demeurent pour certaines nouvelles formes de réorganisations. Ce sera plutôt l’objet d’un groupe de travail. La politique fiscale et l’attractivité de la France peuvent être un autre thème d’étude.
Le 70e congrès mondial annuel de l’IFA s’est tenu à Madrid du 25 au 30 septembre 2016 : quels en ont été les moments forts ?
P. D. : Comme à chaque congrès, deux grands sujets concentrent l’attention. Le premier concernait les règlements des différends ; le second l’application des conventions internationales pour éviter la double imposition aux nombreux impôts nouveaux que les États créent depuis quelque temps, car la France n’est pas seule dans ce cas. Des directeurs fiscaux de grands groupes ont débattu des conséquences du BEPS, ce qui fut très apprécié.
L’actualité des aides d’État, spécialement sur le cas Apple en Irlande, a également suscité des débats animés
L’actualité des aides d’État, spécialement sur le cas Apple en Irlande, a également suscité des débats animés. Enfin, comme à l’accoutumée, les congressistes ont initié ou approfondi de nombreux contacts informels lors des pauses, des soirées ou autrement. C’est évidemment plus diffus mais c’est essentiel. Mon expérience me laisse penser qu’on y peut nouer d’excellentes relations professionnelles, voire amicales, durables avec des collègues de tous pays.