Questions d'avocats à Filiz Tinas, Tinas Avocats : "La biculturalité est un réel atout qui permet de répondre parfaitement aux attentes et aux besoins de nos clients"
Retrouvez cette interview dans l'Annuaire des Juristes d'Affaires 2016, p.207.
Positionné en partie sur le segment France-Turquie, le cabinet Tinas Avocats, créé en 2009, assiste tant des entreprises françaises pour leurs opérations turques que des entreprises turques ou turcophones pour leurs affaires en France. Entretien avec Filiz Tinas, fondatrice de Tinas Avocats.
Votre cabinet accompagne les entreprises en France et en Turquie. Comment avez-vous développé cette compétence ?
Filiz Tinas : J’ai appris la profession d’avocats dans les bureaux parisiens des meilleurs cabinets d’avocats d’affaires anglo-saxons, classés dans le top 10 mondial. J’ai eu la chance de travailler avec les meilleurs praticiens en corporate finance, M&A et capital markets. J’intervenais fréquemment dans des opérations franco-américaines, franco-britanniques et paneuropéennes. Mes expériences m’ont permis de développer toutes les compétences nécessaires à l’exercice de la profession, y compris la relation client qui reste l’étape ultime avant l’installation. En créant ma structure en 2009, j’ai naturellement poursuivi la même pratique professionnelle en me focalisant davantage sur la Turquie dont je suis originaire.
Elle offrait déjà de très belles perspectives de croissance. Je me souviens d’ailleurs d’un article de la LJA en 2009 (1) qui évoquait un marché d’un milliard d’euros sur la décade à venir, pour la seule sphère juridique. La biculturalité est un réel atout qui permet de répondre parfaitement aux attentes et aux besoins de nos clients. J’ai donc oeuvré à la mise en place d’un bureau organique à Istanbul et d’un réseau de correspondants efficaces que je coordonne et supervise. Nous travaillons main dans la main, de la négociation des modalités d’entrée sur le marché avec ou sans partenaire turc au développement de leur activité sur le marché. Côté Asie Mineure, la binationalité et la turcophonie sont des atouts majeurs qui facilitent le débouclage des dossiers. En outre, et c’est un avantage non négligeable, nos clients apprécient le caractère compétitif de nos services.
En effet, nous leur offrons des diligences à forte valeur ajoutée et la même couverture en termes de responsabilité civile professionnelle, à des prix très compétitifs du fait de l’absence de coûts d’infrastructures auxquels les cabinets de grandes envergures sont généralement confrontés.
Sur quels types d’opérations en lien avec la Turquie êtes-vous intervenue récemment ?
F. T. : Nous intervenons dans toutes les phases de croissance interne ou externe de nos clients sur les marchés français et turc, de l’élaboration à la structuration des projets d’alliance stratégique ou de création de la filiale pure, en passant par toutes leurs phases de développement commercial ou de recentrage. Par exemple, nous débouclons actuellement une implantation en direct via la création d’une filiale pure dans le secteur du BTP. Notre client brigue spécifiquement le marché de la formation sécuritaire qui est en plein essor du fait des incitations fiscales et exonérations de charges patronales dans le cadre du budget alloué à la sécurisation des constructions en Turquie.
Nous assistons également un client qui est leader en Europe sur son secteur d’activité dans la mise en place d’une joint-venture (JV) à 50/50. Notre rôle consiste principalement à veiller à ce que ses droits soient préservés. D’une part, en protégeant son atout principal, en l’occurrence son savoir-faire, et d’autre part, en veillant à ce que la consolidation de cette JV soit possible en façonnant un pouvoir de direction effectif. Des techniques similaires à ce que nous avons coutume de faire en France sont dorénavant possibles depuis la récente réforme de la TTK, Türk Ticaret Kanunu (N. B. : équivalent du Code de commerce). En effet, cette loi qui instaure des mécanismes similaires à ceux du droit français en matière de droit des sociétés, de transmission d’entreprises et des valeurs mobilières nous donne un avantage significatif par rapport aux cabinets d’avocats d’affaires basés en Turquie. Cela est particulièrement significatif pour la création des titres privilégiés. Notre pratique des normes et techniques juridiques françaises que la Turquie a repris dans son ordonnancement juridique nous confère une avancée pratique considérable qui nous permet d’avoir le lead sur la structuration des opérations de croissance en Turquie.
Côté Asie Mineure, nous tentons de favoriser les investissements directs en France, en sécurisant les opérations commerciales. Si les créations de filiales françaises restent peu nombreuses, la distribution ou la vente directe de produits, elles, se maintiennent. En revanche, nous assistons à une recrudescence des dossiers de déclarations de créances.
Quelles sont les spécificités et les opportunités du marché turc aujourd’hui ?
F. T. : La Turquie offre de belles perspectives de croissance. Il y aurait aujourd’hui environ 500 entreprises françaises en Turquie qui représenteraient près de 10 milliards d’investissements et environ 12 milliards d’échanges commerciaux. Si de nombreuses réformes ont récemment eu lieu notamment pour améliorer la sécurité juridique des opérations, il faut reconnaître que le contentieux en Turquie reste un réel problème et que l’arbitrage est à privilégier quasi-systématiquement. Cela étant, une fiscalité avantageuse, une main d’oeuvre qualifiée qui reste peu onéreuse et un positionnement géo-commercial qui offre une ouverture sur les pays turcophones et le Moyen-Orient sont autant d’atouts qui rendent la Turquie très attractive.
(1) F. Autret, Barreau des affaires en Turquie : un marché en cours de maturation, LJA 929, 25 mai 2009.
Propos recueillis par Julie Marchand
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