La fin des panels ?
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°54 - mai 2018
La publication des panels de la Société Générale en début d’année a remis le feu aux poudres. Les firmes d’avocats sont excédées par les pratiques de certaines entreprises qui peuvent parfois s’apparenter à un véritable massacre de taux. La réflexion s’oriente aujourd’hui vers un assouplissement des pratiques de sélection des cabinets.
«Les panels d’avocats ont connu trois époques différentes », retrace Olivier Chaduteau, associé de Day One et leader incontesté du conseil en stratégie des directions juridiques d’entreprises en France. Leur mise en place date du début du nouveau millénaire. Sous l’influence de la direction des achats, les entreprises ont cherché à rationnaliser leurs relations avec les prestataires externes. L’objectif pour elles étant de bénéficier d’un service plus personnalisé pour un moindre coût. Les quelques cabinets d’avocats inscrits sur le panel ayant pour leur part accès à un volume de dossiers supérieur et donc à davantage d’honoraires. Les groupes américains, comme General Electric, ont été parmi les premiers à s’engager dans de tels processus. Les filiales dans les pays étrangers suivant le mouvement, avec plus ou moins d’entrain. Ainsi, un panel a été mis en place en 2009 chez Pfizer, qui a été étendu en 2010 à l’international.
François Garnier, ancien directeur juridique international du groupe pharmaceutique, se souvient : « L’objectif était de sélectionner une quinzaine de cabinets par matière avec lesquels nous formions une alliance de travail. Le cabinet bénéficiait d’un volume de dossiers réguliers en contrepartie du versement d’un montant forfaitaire annuel ». Ainsi un cabinet pouvait par exemple se voir attribuer plusieurs dizaines de millions de dollars en début d’année pour traiter l’ensemble des dossiers corporate au niveau mondial. « Si le cabinet avait effectué un travail de qualité ou était intervenu sur plus de missions qu’anticipé, il était susceptible de se voir allouer un bonus en fin d’année », ajoute-t-il. Une relation présentée comme gagnante-gagnante, qui s’inscrit dans la durée et permet de favoriser la création de liens entre les clients et les prestataires externes. Mais la faillite de Lehman Brothers est venue enrayer la belle machine des directions juridiques.
Des abus sur les prix
« Au moment de la crise financière, un grand nombre de directions générales a entamé un processus de coupure de coûts dans toutes les branches des entreprises. Les budgets juridiques n’ont pas fait exception. Dès lors, certains panels d’avocats ont été l’occasion de massacrer les taux de cabinets et de rompre cette relation win-win avec l’entreprise », raconte Olivier Chaduteau. Cette deuxième phase de vie des panels est directement gérée par les directions des achats. Des rumeurs couraient à l’époque sur des bonus alloués aux directeurs des achats de prestations intellectuelles qui parvenaient à faire baisser les factures des conseils de 30 %. Les banques sont à ce nouveau jeu très douées. Directement impactées par la crise financière, les équipes internes ne font pas dans la dentelle et les directions des achats ne laissent rien passer. Certains groupes demandent même aux avocats des remises de fin d’année aux cabinets pour continuer à travailler « comme partenaire privilégié ». Si durant l’année, la structure a travaillé pour X montant d’honoraires, elle doit accorder 5 % de remise au client. Pour un montant de Y, la remise atteindra 6 %, etc. « Certaines entreprises acceptent que la remise s’impute sur la première facture suivante, d’autres réclament un chèque », raconte un avocat sous couvert d’anonymat.