Retour d’expérience : la formation CMAP à la médiation
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires N°1340 du 5 mars 2018
Par Nathalie Rehby
La médiation, ça a changé ma vie »… Tous, TOUS, le disent. Au fur et à mesure du chemin conduisant à la médiation, tous ses pratiquants en témoignent. Qu’ils soient juges, avocats, chefs d’entreprise, DJ ou DRH, devenus médiateurs ou utilisant la médiation, la médiation transforme. Pas une exception. L’essayer, c’est l’adopter… y goûter, c’est devenir addicte !
Dès lors, vous êtes prévenus : croisez un /une croyant-e pratiquant-e, il/elle vous parlera et vous initiera, et vous allez enclencher le voyage. Ces premiers témoins sont comme des « bonnes fées », ouvrant la porte sur un nouveau territoire. Mes « bonnes fées », ce sont de fins connaisseurs de la médiation, mais surtout des praticiens qui en parlent très directement. Avocats ou juristes d’entreprises, persuadés de l’utilité de la démarche dans leur pratique, pour leurs clients et les entreprises, et pour eux-mêmes, car ils la vivent.
Laurence Kiffer, Nathalie Roret, Michèle Jaudel, Carole Pascarel, Florence Antony, Pierre Jérôme Abric et Sophie Henry. Ils ont semé la graine de la médiation ! Or il faut le dire, la confidentialité de la médiation, un de ses grands atouts, est aussi son pire ennemi pour se diffuser. Pas d’affaires médiatisées, pas de cas concrets auxquels se référer. Même si cela évolue, c’est une méthode restant encore très théorique. C’est comme la fiction, les cas travaillés sont inspirés de faits réels, mais n’en sont pas. Sans le témoignage engagé des « bonnes fées », puis des formateurs, pas moyen de commencer à appréhender le réel. La formation puis la pratique sont nécessaires. Puis d’être ambassadeur pour propager la médiation.
Mais quel rapport avec la communication, ma pratique ? Quand le droit, c’est résoudre des conflits, alors toutes les méthodes à porter à la connaissance des clients des avocats que j’aide à communiquer, sont à connaitre. Deux constats : D’abord, comment ignorer ce MARD que de plus en plus d’avocats et de juristes avec qui je travaille pratiquent ? Quand la justice évolue et que la Chancellerie met de l’amiable partout ? Le communicant juridique et/ou judiciaire sait que le métier d’avocat, c’est la défense, mais cela ne veut pas dire qu’il n’est qu’un métier de combat judiciaire. Le conseil, la négociation, l’arbitrage, le lobbying même, et donc la médiation, sont des facettes vite découvertes. Et il faut savoir en parler. Deuxième point, le conflit est humainement usant : le procès dans ce qu’il est un combat frontal n’apparait pas toujours adapté à la situation rencontrée. Du poste du communicant, on le perçoit, peut être pas avec la même acuité que l’avocat ou le juriste, mais tout de même. Alors en route pour le CMAP pour me former. Cela transforme et enrichit pour devenir un supporter et un acteur !
À lire : Trois questions à Sophie Henry, Déléguée générale, CMAP
Une formation de sept jours
Comment cela se passe ? Se former avec d’autres professionnels apporte plus, notre promotion « Champagne » l’a pleinement vécu : des bulles de créativité nées de la diversité. Elle a largement apprécié un enseignement très axé sur la pratique.
Jour 1 ▪ Le conflit existe et c’est sain
Stephen Bensimon souligne « plus une société est libre, dynamique, entreprenante, plus il existe des conflits dont il faut trouver la résolution ». Et la première chose qu’on apprend, c’est argumenter pour la médiation : d’abord peser le pour et le contre sur chaque situation, et si le pour l’emporte, développer les arguments.
Jour 2 ▪ Écouter activement
Savoir questionner, écouter, reformuler, c’est la base du travail du médiateur. Et ce n’est pas si naturel. « Ayez une écoute active et bienveillante. Et le questionnement est la seule contrainte. » souligne Jacques Salzer, spécialiste de la communication inter-organisations et médiateur, « Enfin accueillez les émotions », car il faudra les purger.
Jour 3 ▪ Comprendre
Ce jour-là pour moi, mais chacun vit ce déclic à un moment ou à un autre selon ses acquis : négociation raisonnée, courbe du changement, reformulation, process com’, analyse transactionnelle, communication non violente, non verbale… Tout ce que j’utilise professionnellement au quotidien, en communication et en stratégie, va être très utile. Pour les avocats, soulignons que les techniques rhétoriques, les pratiques telles que la cross examination, la maîtrise d’autres modes comme l’arbitrage, le collaboratif, … sont de véritables ressources.
À lire : Le rôle crucial de l’avocat dans la formation
Jour 4 ▪ Construire la solution
Jean-Édouard Gresy, anthropologue et médiateur, suggère que l’expérimentation permet de trouver une solution. L’idée est bien pour le médiateur non pas de donner une solution aux parties, mais bien de les aider à trouver la leur. Donc le médiateur tâtonne, il cherche à identifier ce qui bloque (émotions, avoir raison, non-dits, valeurs…).
Souvent, les émotions sont les plus importantes, il faut donc les purger. Chercher là où les parties se sont ratées, c’est là la fixation du conflit. C’est aussi à partir de là qu’on réinvente ce qui est faisable, souhaitable et que les parties envisagent ce qu’elles vont faire.
Jour 5 ▪ Les avocats servent à quelque chose… l’éthique aussi !
À force de se dire que ce sont les parties qui font la solution, on en oubliait les conseils ! C’est le moment de les réintégrer (voir encadré). Le médiateur n’est pas une profession réglementée, il a cependant une éthique. L’avocat pense souvent que sa déontologie suffit, mais il faut aussi intégrer les spécificités liées au rôle et au positionnement du médiateur. Qu’est-ce que l’impartialité, l’indépendance ou la neutralité ? Nicolas Simon, ancien juriste, avocat et médiateur, a fait vivre concrètement à chacun une question éthique. Pas si simple.
Jour 6 ▪ La méthode
C’est ce qui est difficile à assimiler… C’est une méthode dans laquelle il y a finalement peu de règles, voire où chacun se les fabrique. Cependant, les étapes et les points de passages sont intangibles. « Le médiateur doit être inflexible sur le processus, mais sinon la liberté est totale » rappelle Christophe Ayela, avocat de contentieux et médiateur.
Jour 7 ▪ Pratiquer…
Tous les médiateurs qui vous scrutent pendant les jeux de rôles le disent : sans pratique pas de salut. Il est indispensable de répéter des situations, jouer des rôles. C’est encourageant même si c’est sans concession !
Et après…
Après ces heures de formation, nous voilà convaincus : nous voulons tous être acteur de la médiation. Comme médiateur, comme conseil dans la médiation, en utilisant les techniques (écoute active, négociation raisonnée, MeSoRe, accord sur le désaccord…) dans notre pratique au quotidien, en mettant des clauses dans nos contrats et en l’expliquant, en l’enseignant. Médiateur et ambassadeur mais aussi usager de la médiation.
Alors que retenir ? La médiation, c’est passer de deux à trois dans un conflit, afin que le tiers accompagne les parties à trouver leur solution amiable. Cette place du tiers est difficile à appréhender car il n’a rien à voir avec le juge ou l’arbitre, ni même l’expert ou le dirigeant. Le médiateur ne décide pas, il ne tranche pas, il ne dit pas le droit, il n’impose rien, il ne se justifie pas, il ne s’étonne de rien, il n’a pas de pouvoir, il n’est pas autoritaire, il n’est pas un expert, il ne choisit pas, il ne propose pas la solution, il ne rédige pas l’accord. Le médiateur est spécialiste de la relation. Il est un leader bienveillant, il crée les conditions du changement, il est inspirationnel, il sait sortir du cadre, il est neutre, il est impartial, il a besoin de savoir, il écoute, il comprend, il reformule, il vérifie les compréhensions réciproques, il restitue, il accueille les émotions, il apaise, il travaille à l’avenir, il crée du lien, il re-lie, il ramène à la raison. Tout cela dans la confidentialité la plus absolue et la liberté. Mais qui décide en définitive ? Les parties.