Reprises à la barre : KPMG dévoile les clés du succès
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1403 du 1er juillet 2019
C’est une étude inédite que KPMG vient de rendre publique. Elle analyse les près de 500 plans de cession dont le jugement est intervenu en 2017 et 2018. Des données ensuite commentées par les grands acteurs du monde du restructuring, au premier rang desquels Paul-Louis Netter, président du tribunal de commerce de Paris, Louis Martin, président de la chambre de sauvegarde de Paris, mais aussi Louis Margueritte, secrétaire général du CIRI.
«Jamais un état des lieux aussi exhaustif n’avait été réalisé », annoncent d’emblée Pascal Bonnet, associé responsable de l’activité restructuring, et Julien Sortais, directeur de missions de KPMG. Reposant sur l’étude de 458 plans de cessions sur les 483 arrêtés au profit d’entreprises de vingt salariés ou plus sur les années 2017 et 0218, l’analyse permet de tirer des statistiques spécifiques sur l’impact du plan de cession sur l’emploi, le désintéressement des créanciers, le déroulement et l’efficacité des procédures, l’attractivité des secteurs d’activité et enfin le profil des repreneurs. Et alors que la France vient de transposer la directive Insolvabilité, ces résultats démontrent que le plan de cession a parfaitement sa place dans la boite à outils des professionnels du restructuring. Même si certains points pourraient être améliorés, analyse le Big.
Préserver l’emploi
En 2017 et 2018, plus de 38 000 emplois ont été en jeu dans le cadre d’entreprises, d’au moins 20 salariés, en redressement ou liquidation judiciaires ayant fait l’objet d’un plan de cession. 10 dossiers concentraient à eux-seuls 30 % des emplois menacés, notamment dans les secteurs de la métallurgie (5 911 emplois en jeu, avec des dossiers marquants comme Asco Industries ou Arche Industrie), le commerce de détail (5 060 emplois, avec Tati ou encore Toys R Us) et l’alimentaire (4 330 emplois avec William Saurin ou Doux). La bonne nouvelle, c’est que 76 % des emplois ont été préservés par les repreneurs, soit près de 30 000 emplois sauvés. Ce taux atteint même 83 % pour les entreprises de plus de 250 salariés. Pascal Bonnet le confirme : « Le taux d’emplois repris traduit la prédominance des enjeux sociaux et met en exergue l’efficacité du plan de cession ». La mauvaise, c'est que la procédure demeure peu efficace dans l’apurement du passif. L’étude révèle en effet que les entreprises ayant fait l’objet d’un plan de cession avaient en moyenne un passif équivalent à 1,2 année de chiffre d’affaires. Or il n’est apuré, en moyenne, qu’à hauteur de 6 % par le prix de cession proposé. Par ailleurs, ce prix de cession équivaut en moyenne à 6 % du chiffre d’affaires de la cible. Et l’étude de reproduire une partie du jugement SARL Transports Papalino Bouis, de mai 2017, dans lequel le tribunal de commerce de Marseille écrit : « que le volet social est correct, qu’il regrette l’unicité de l’offre de reprise que néanmoins, une liquidation judiciaire ne permettrait pas de mieux désintéresser les créanciers mais aggraverait le passif par le coût des licenciements ». Sur les entreprises de plus de 100 salariés, il est d’ailleurs démontré que seules 59 % des offres les mieux-disantes en termes de prix ont été retenues par le tribunal. La donnée tombe même à 40 % pour les groupes de plus de 500 salariés. En clair, le critère social est largement prédominant sur tous les autres éléments, comme le prix ou la pérennité du projet. « Du point de vue du repreneur, acquérir une entreprise à la barre du tribunal peut permettre de réaliser une bonne affaire, le prix d’acquisition pouvant être faible », reconnaissent Pascal Bonnet et Julien Sortais.
L’avis des organes de la procédure
De façon très pertinente, l’analyse est ensuite portée sur les liens entre tribunal de commerce et organes de la procédure. Elle démontre que 95 % des offres ayant obtenu un avis favorable de l’administrateur judiciaire ont été retenues par le tribunal. En cas d'offres multiples, cette statistique tombe à 86 % mais est tout de même révélatrice : l’avis favorable de l’administrateur judiciaire est, pour le repreneur, signe de succès. Les statistiques sont d’ailleurs du même ordre pour les autres organes de la procédure : le mandataire judiciaire (87 %), le représentant des salariés (78 %), le juge commissaire (89 %) et le procureur (88 %). Dans l’hypothèse d’offres concurrentes, dans 82 % des cas l’administrateur et le mandataire judiciaires ont le même avis. Cette donnée tombe à 66 % lorsque l’on compare l’avis de l’administrateur judicaire avec celui des représentants des salariés.
Réformer les processus d’appel d’offre ?
Contrairement aux idées reçues, 8 % seulement des repreneurs ont leur siège social en dehors de France. Et dans les dossiers portant sur des entreprises de plus de 100 salariés, les acquéreurs sont 15 % à venir de l’étranger. 75 % d’entre eux sont d’ailleurs des voisins proches puisqu’ils viennent de Suisse, de Grande Bretagne ou de Belgique. Dans 53 % des cas, le repreneur est dans la même région que la cible. En outre, 52 % des repreneurs exercent dans le même secteur que la cible. Mais cette proximité est-elle souhaitée ou subie ? L’étude est très critique sur l’efficacité du processus de recherche de repreneurs. Car, selon elle, 2 entreprises sur 3 ne font l’objet que d’une seule offre de reprise. « La faiblesse patente du nombre d’offre déposées et des prix de cession proposés questionnent quant à l’efficacité du processus d’appel d’offre », notent les auteurs. Nombre de dossiers ne feraient en effet l’objet que d’une publicité et non d’une recherche active de repreneurs. Rappelons en effet que la recherche passe surtout par la parution d’une publicité en français, dans des journaux ou des sites internet français. Une visibilité quasi-nulle pour des étrangers. C’est notamment dans ces moments-là que le savoir-faire et les relations des conseils juridiques et financiers peuvent se révéler efficaces.