L’installation de la juridiction commerciale internationale n’a pas (encore) eu lieu
Paru dans La Lettre des Juristes d’Affaires, N°1330/1331 du 18/12/2017
Annoncée pour le 13 décembre, l’installation de la chambre commerciale internationale auprès de la cour d’appel de Paris devrait finalement avoir lieu en janvier prochain. La Chancellerie a cependant annoncé que les premières audiences pourraient se tenir au mois de mars 2018.
La première version du programme de la conférence qui se tenait mercredi 13 décembre à la première chambre de la cour d’appel de Paris le mentionnait pourtant clairement : « Installation de la chambre internationale par Madame la Garde des Sceaux ». Il était même ajouté « signature des protocoles entre la cour d’appel, le tribunal de commerce et le Barreau de Paris ». À l’issue de cette après-midi, aucun des deux évènements annoncés n’a eu lieu. La garde des Sceaux a néanmoins indiqué que le gouvernement avait exprimé son intérêt pour le projet dans son ensemble. Selon nos informations, les protocoles devraient donc être signés par le premier ministre, Édouard Philippe, au cours d’un événement qui aura lieu au début du mois de janvier 2018.
Des audiences en partie en langue étrangère
Nicole Belloubet, intervenue au pupitre pour clôturer la conférence, a cependant rappelé l’« enjeu juridique essentiel » de la mise en place de cette chambre internationale. Elle indiqué que les protocoles d’accord étaient prêts et en a dévoilé, en partie, la teneur, disant que leur signature serait « prochaine ». Ces protocoles prévoient, notamment, un « dispositif complet et alternatif » qui vise, en réalité, à ce que les audiences de la future juridiction se tiennent en partie en anglais ou en langue étrangère sans risquer l’inconstitutionnalité. Devant cette nouvelle chambre, « les actes de procédure seront en français, mais pourront être accompagnés d’une traduction ». Les pièces produites lors de l’audience pourront l’être dans la langue choisie par les parties, mais la juridiction communiquera avec elles en français. Les témoins, les experts, les parties et les avocats pourront parler la langue choisie, la ministre annonçant même qu’un « système de traduction simultanée » était à l’étude. « Il pourrait y avoir des cabines avec des interprètes ou de la traduction automatique ». Le juge s’exprimera quant à lui en français et la décision sera, elle aussi, rendue en français, avec une traduction.
La garde des Sceaux a aussi pointé la nécessité de recruter des profils de magistrats anglophones, ainsi qu’un greffier anglophone. Chantal Arrens, présidente de la cour d’appel, avait d’ailleurs annoncé qu’un appel à candidatures serait lancé au niveau national.
Nous deviendrons une place financière parce que nous sommes une place de droit »
Tout au long de l’après-midi, les intervenants se sont succédés pour souligner la pertinence de la mise en place de cette nouvelle chambre dédiée aux litiges internationaux. C’est Jean-Hervé Lorenzi, professeur d’économie et président du cercle des économistes qui a ouvert le bal, rappelant que dans le contexte du Brexit, l’installation de cette juridiction internationale faisant de Paris une place de droit était un atout formidable pour promouvoir la capitale française comme place financière internationale sur le continent. « Nous deviendrons une place financière, parce que nous sommes une place de droit » a-t-il résumé. Le professeur Bruno Deffains a souligné le poids des enjeux économiques autour du droit conformément à son rapport d’octobre dernier (voir LJA n° 1322) et Guy Canivet a rappelé les préconisations, contenues dans son rapport sur les chambres commerciales internationales rendu le 4 mai 2017 à Jean-Jacques Urvoas. Au cours de deux tables rondes les acteurs du monde juridique se sont ensuite mis d’accord sur un point essentiel : la nécessité de promouvoir la future nouvelle chambre internationale auprès des grandes entreprises étrangères. « Cette publicité doit se faire en dehors des opérateurs français, pour éviter toute suspicion », a pointé Aurélien Hamelle, directeur juridique de Total. « C’est l’institution judiciaire elle-même qui doit en faire la promotion et développer des secteurs particuliers pour se démarquer des autres juridictions internationales », estime-t-il.
Gérard Gardella, secrétaire général du Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP), qui a œuvré pour la mise en place de cette chambre internationale, aux côtés de l’association « Paris Place de Droit », a assisté à la conférence. S’il n’a aucun doute sur la signature prochaine des protocoles de procédure, il estime néanmoins que l’objectif annoncé de premières audience en mars 2018 est « ambitieux. Faisable, mais ambitieux ». Selon lui, pour que le projet de chambre internationale se concrétise enfin, la difficulté essentielle à surmonter est celle du recrutement des magistrats. « Il faut aussi, peut être, avoir une réflexion plus approfondie sur la question de la langue employée – car l’anglais sera incontournable et son usage devra être très facilité– et aller vendre la juridiction auprès des utilisateurs, notamment à l’étranger ». CQFD.