L’évaluation des performances
Les modes de répartition des revenus sont plus que jamais d’actualité dans un contexte de forte concurrence, attisée par des choix de plus en plus cartésiens de la part des consommateurs du droit.
Dans notre précédente fiche, nous avons abordé le système du lock-step, qui trouve ses limites essentiellement dans l’absence de mesure de la contre performance ou de la "super performance" de certains associés. Ne pas tenir compte du rendement, de la productivité, constitue aujourd’hui une réelle difficulté dans un contexte de plus en plus concurrentiel et entrepreneurial. Enfin, la limite de ce système tient à la nature même de l’activité d’avocat, où la relation intuitu personae joue un rôle fondamental.
Faut-il pour autant, prôner des systèmes à l’américaine du type « eat what you kill », littéralement « manger ce que l’on tue », basés sur le seul rendement de l’associé?
Ce serait à notre sens un écueil fondamental car profondément destructeur du « ciment » nécessaire au cabinet pour un fonctionnement harmonieux et fédéré, allant également dans le sens de l’intérêt du client.
Toutefois, la forte pression à la hausse sur la rémunération des avocats et le contexte concurrentiel jouent en matière de répartition des bénéfices entre associés.
Dès lors, il convient probablement d’envisager des systèmes mixtes, prenant également en compte l’évaluation des performances.
Encore convient-il de s’interroger sur la nature même de la performance que l’on entend évaluer, sur la quote-part dédiée à cette mesure dans la répartition des résultats et sur l’évalué et l’évaluateur !
Quelle performance évaluer ? Sous-entendu sans faire chavirer le navire et en oeuvrant dans une logique de construction. Se poser cette question, revient en réalité à évoquer celle de la gouvernance des cabinets. On rappelle en effet que le marché du droit français démontre que peu de cabinets survivent à leurs fondateurs et beaucoup disparaissent pour n’avoir su l’anticiper. Quel que soit le mode d’exercice retenu, instaurer une gouvernance au sein du cabinet c’est tout d’abord faire œuvrer dans le sens de l’intérêt commun des professionnels fortement marqués d’individualisme. Le système de répartition est directement lié à ces fondamentaux. Dès lors, évaluer une performance devra être le reflet d’une volonté inscrite au règlement ou aux statuts, et bien évidemment débattue au sein d’une organisation logique.
La performance ne se résume bien évidemment pas à la rentabilité.
Entre autres exemples, elle pourra être la capacité à trouver de nouveaux clients, en dehors du champ même de sa propre compétence (cross selling), à fidéliser de nouveaux clients, à propulser l’image du cabinet, à développer l’outil de travail, à fédérer les équipes…
Si les principes de gouvernance et le système d’évaluation ne prennent pas en compte ce type d’actions, ou encore, n’en définissent pas les contours et le poids – on sait d’expérience, qu’elles sont particulièrement chronophages avec un retour sur investissement non immédiat - il sera difficile de mesurer une performance.
Quant à la mesure des facteurs de rentabilité immédiats (temps passés - action/facturation – recouvrement – rentabilité), il convient de faire particulièrement attention aux critères qui en soustendront la mesure. En effet, la "sur mesure" de la performance de l’individu ou du département sont autant de dangers contreproductifs. On pourra facilement leur préférer la mesure de la rentabilité d’un client ou d’un dossier. Encore faut-il pour cela que le cabinet ait des règles de gestion stricte et un outil de mesure adapté, au risque de voir disparaître l’intérêt du système. Il n’y a pas de mesure possible sur des systèmes flous et empiriques.