Devenir associé : 5 erreurs à éviter
Parmi les perspectives qui s’offrent à un avocat collaborateur en cabinet d’affaires, l’association a longtemps été considérée comme la consécration ultime, la voie royale. Depuis quelques années, certains collaborateurs s’orientent vers l’entreprise, vers la création de leur propre cabinet. Ou certains, tout simplement, restent au sein leur de structure sans pour autant endosser le rôle et le statut d’associé. Cela signifie-t-il que pour ceux et celles qui ont fait le choix inverse, l’accession à l’association est devenue plus simple ? Non. Car les principaux obstacles ou difficultés sur le chemin vers l’association ne sont pas uniquement liés à la concurrence interne (ou externe). L’expérience montre que les prétendants à l’association sont souvent mal préparés et commettent des erreurs d’analyse et de positionnement qui rendent leur progression rude et pénible, voire impossible.
Erreur #1 : confondre effort et résultat
Dans le but de montrer son implication et sa motivation, le collaborateur est souvent tenté de travailler beaucoup et de passer du temps au cabinet au détriment de sa vie personnelle, mais aussi d’un recul nécessaire sur ce qui est réellement attendu de lui. Certes, les efforts qu’il aura fournis seront sans doute appréciés mais ils le seront encore plus s’ils correspondent à ce que les associés et les clients souhaitent.
Parmi les attentes les plus courantes des associés, on note le besoin de sentir que les dossiers sont pris en charge et que le collaborateur s’intéresse au suivi du dossier, à la tenue des délais, à la satisfaction du client et cherche à anticiper les problèmes. Le collaborateur qui met toute son énergie à répondre de façon parfaite, voire perfectionniste, à une demande n’a accompli que la moitié du chemin. En effet, il lui faut également montrer qu’il facilite le travail de l’associé qui, lui, est en lien avec le client.
Erreur #2 : vouloir aller trop vite
La progression technique et la maturité psychologique indispensables pour devenir associé ne vont pas toujours de pair. Être associé implique d’exercer des responsabilités managériales et de gérer la relation avec les clients. Autant d’activités qui n’ont pas de lien direct avec l’expertise technique. Cette dernière peut s’acquérir plus vite que les autres dimensions du rôle d’associé qui, elles, se développent à travers l’exposition à des expériences variées, au cours des dossiers.
Lorsque les associés, à l’occasion des entretiens d’évaluation ou de conversations informelles, tentent d’exprimer (plus ou moins adroitement il est vrai…) au collaborateur le fait que celui-ci a besoin de mûrir encore sur tel ou tel plan, celui-ci a parfois tendance à se braquer, interprétant ces propos comme des reproches ou des critiques négatives. La réaction la plus constructive est sans doute de demander à l’associé ce qu’il propose de mettre en place pour faire grandir le collaborateur.
Erreur #3 : manquer de discernement
Le collaborateur qui souhaite devenir associé dans son cabinet a en général une vision très partielle et biaisée de ce qui s’y passe. Il lui est parfois difficile de comprendre les logiques que suivent réellement les associés, surtout si ces derniers communiquent peu ou partiellement sur leurs projets et intentions. Et, il faut le dire, quand les associés s’expriment, ils sont souvent mal compris parce que le collaborateur n’a pas en main tous les éléments pour apprécier le discours à sa juste valeur. Trop souvent, les relations entre collaborateurs et associés sont faites de malentendus successifs qui orientent les perceptions des uns et des autres, souvent au détriment d’une collaboration fructueuse. Savoir détecter les attentes véritables des associés est souvent complexe pour le collaborateur.
Exprimer ses propres attentes est en soi un exercice délicat. Faire preuve de discernement, c’est être capable de distinguer ce qu’on peut dire, comment le dire et à quel moment. C’est aussi être conscient qu’on ne sait pas tout, qu’on ne maîtrise pas tout et qu’il peut être utile de rechercher un point de vue extérieur, expérimenté et distancié pour aider à évaluer une situation qui peut apparaître floue ou confuse.
Erreur #4 : être trop focalisé sur son objectif
Être associé n’est pas qu’un statut (et une rémunération). C’est d’abord une fonction qui entraîne des responsabilités et, dans la plupart des cas, une réelle pression. Viser l’accession au statut d’associé amène souvent les collaborateurs à négliger de s’interroger sur ce qui est réellement en jeu et en quoi consistera cette promotion. D’abord, comment elle se déroulera : comment le process est-il structuré et balisé ? Ensuite, qu’est-ce qui sera attendu du nouvel associé et quelles seront ses responsabilités au quotidien ? Il est possible que cette exploration amène le collaborateur à prendre conscience que le rôle d’associé n’est pas pour lui.
En tous les cas, elle lui permettra d’anticiper l’étendue du rôle, ses contraintes et ses difficultés, afin de mettre en place les actions nécessaires pour s’y préparer. Dans certains cabinets, et depuis quelques années, les collaborateurs sont de plus en plus sensibilisés à la nécessité d’acquérir des compétences en développement de clientèle. S’ils n’ont malheureusement pas toujours la possibilité de les mettre en application faute d’avoir une clientèle personnelle, ils peuvent dans tous les cas mieux comprendre ce qui se joue concrètement dans cette composante essentielle du rôle d’associé. Le collaborateur qui souhaite devenir associé a tout intérêt à se renseigner auprès de ses aînés (et pas nécessairement au sein de son cabinet) afin de prendre du recul.
Erreur #5 : rester passif
Au final, la passivité se révèle toujours une stratégie perdante : à force d’attendre des signaux positifs ou de compter sur le fait qu’on est « indispensable » à son associé, le contexte peut évoluer rapidement et de façon contraire à ses objectifs. Même s’il est vrai qu’il peut exister des situations d’interdépendance entre un associé et son collaborateur, qui peuvent amener ce dernier à obtenir « naturellement » le poste d’associé, il n’est jamais bon de se laisser enfermer dans un rôle car il est toujours difficile d’en sortir. Ne pas être passif, consiste à prendre le temps de bien se connaître et de se fixer des objectifs personnels (qu’on ne partagera pas nécessairement avec les associés), puis de montrer son implication et sa motivation de façon proactive.
Les entretiens d’évaluation sont de bonnes occasions pour faire des propositions en matière d’amélioration des processus internes ou de contribution à la vie du cabinet, ou même de développement. À condition bien entendu que ces propositions soient formulées comme telles et non comme des revendications. Et de savoir interpréter les réponses à leur juste mesure et de ne pas prendre les choses trop personnellement. Certains refus ne sont pas des rejets… D’autres en revanche, permettent d’identifier qu’une situation est bloquée et a peu de chance de se transformer.