La motivation entre force durable et excès d’émotion
La motivation revient souvent dans le lexique du management. Le manager talentueux sait motiver ses troupes, appuyer sur les « bons boutons » de ses collaborateurs, déceler ce qui fait avancer l’un, reculer l’autre.
De quoi s’agit-il ?
La relation entre émotion et motivation est très étroite ; Les deux mots partagent la même racine latine movere : se déplacer, se mouvoir, être en mouvement. Le Robert est bref : relation d’un acte aux motifs qui l’expliquent ou le justifient. De fait, la motivation est beaucoup plus complexe que ne semble la définir le dictionnaire. Il n’existe pas un type de motivation mais plusieurs qui ne se gèrent pas de la même façon, ni pour la personne, ni pour l’associé dont elle dépend. Qui ne permettent pas non plus les mêmes résultats, sur le plan professionnel et personnel. D’où l’intérêt de déceler les différences pour soi et le manager.
Pour les psychologues, la motivation consiste en un vaste ensemble de processus dynamiques, conscients ou non, caractérisés par les émotions, qui assurent la direction de l’action, le moteur qui entraine la mise en action et la persévérance de l’action vers l’objet visé. On parle de motivation « intrinsèque» quand l’action est conduite uniquement par l’intérêt et le plaisir que l’individu trouve à l’action, sans attente de reconnaissance externe et de motivation « extrinsèque » quand l’action est provoquée par une circonstance extérieure à l’individu (punition, récompense, pression sociale, obtention de l’approbation d’une personne tierce).
L’approche neuro cognitive et comportementale est plus fine dans son approche et distingue quatre types de motivations.
La motivation primaire
Une motivation pérenne voire inépuisable est à l’origine d’activités spontanées qui ressourcent indépendamment du résultat ou de la reconnaissance qui en découlent. L’échec n’existe pas. Le plaisir est inconditionnel. Ces motivations semblent être le fruit de l’idéalisation de ce qui a été vécu pendant la petite enfance. Cette idéalisation devient alors le support de nos vocations et de nos préférences durables, avec un avantage essentiel : la reproduction des attitudes et comportements qui nous ont permis de satisfaire nos besoins importe plus que l’obtention de leurs résultats. C’est là toute la différence avec les conditionnements classiques qui nécessitent un renforcement positif permanent pour ne pas être déprogrammés. La motivation primaire nous donne une stabilité naturelle, malgré les échecs et le manque de reconnaissance. Si c’est clairement cette motivation qui constitue la voie privilégiée de notre épanouissement puisqu’elle est peu réceptive aux états de stress et qu’elle ressource même en état de fatigue, elle peut s’avérer inadaptée à la réalité de ce que l’on vit. Ces motivations exagérément optimistes, obstinées, naïves peuvent parfois être en décalage avec l’environnement social / professionnel.
Les motivations primaires peuvent toujours être remobilisées dans le cadre d’un travail de développement personnel et s’exprimer à nouveau dans toutes leurs dimensions.
Quelques questions simples permettent de la déceler : Qu’est ce qui te ressources quand tu es fatigué, démoralisé ? Que fais-tu de façon spontanée, sans devoir te demander pourquoi tu le fais ?
Validation :
Comment te sens-tu lorsque tu échoues ?
À quelles conditions recommencerais-tu ?
La motivation secondaire
La motivation secondaire se caractérise par tout ce que fait une personne pour obtenir un résultat, une reconnaissance et / ou pour éviter un inconfort. Elle se forge après la petite enfance grâce aux mécanismes de mémoration et d’apprentissage. L’enfant puis l’adolescent est plus perméable aux mécanismes de « récompense / punition » et d’«évitement». Selon leur répétitivité et leur intensité, elles pourront rentrer en compétition avec les primaires. Bien que rigides, les motivations secondaires sont pour l’essentiel réversibles, à la différence des motivations primaires. Elles représentent un élargissement de la sensibilité et des compétences individuelles et sociales. Elles nous épargnent diverses mésaventures en augmentant nos intolérances, ce qui réduit notre naïveté naturelle liée à nos motivations primaires. Les motivations secondaires ont toutefois les défauts miroirs de leurs qualités. Elles permettent d’intégrer une part de notre culture, apprentissages, savoir, savoir-faire, savoir-vivre, styles et esthétique. Cette culture peut-être individuelle ou partagée, familiale, corporatiste…L’imprégnation que nous en avons constitue une partie de nos valeurs, croyances, opinions. « J’aime prendre des responsabilités ». En revanche, les apprentissages négatifs entrainent des peurs, intolérances, démotivations, voire évitement. Ces éléments constituent autant d’obstacles à l’action et au plaisir, d’une part, et à l’ouverture relationnelle et sociale, d’autre part. Cette dimension négative correspond à une intolérance à l’anti-valeur. « Je ne supporte pas les personnes irresponsables ».
La motivation tertiaire
Tout ce qu’une personne imagine qu’elle pourrait faire, avec pas ou peu d’action. Sans plaisir, ni déplaisir à l’action... et sans douleur en cas d’échec. Cette motivation tient plus du rêve que de la réalité.
Afin de distinguer une primaire d’une tertiaire voici les questions basiques à poser :
Qu’as-tu déjà mis en place ?
Comment t’y prendrais-tu ?
Comment te sens-tu à l’idée de faire cela à temps plein, tout le temps ?
Le surinvestissement émotionnel
Le surinvestissement émotionnel est un investissement fébrile, d’une personne qui place toute son énergie et son enthousiasme dans une action, dont la réussite ne le satisfait jamais assez et qui souffre dans l’échec. Dans ce contexte, la personne a généralement un besoin inconscient qu’elle réprime et qu’elle substitue par un autre besoin qui ne l’assouvit que partiellement. Ce besoin non satisfait par un comportement devenu tabou est généralement lié à une «punition » accompagnée d’un vécu émotionnellement intense, tant sur le plan individuel que du point de vue social, comme la ridiculisation en public, le sentiment profond de honte ou le vécu de rejet par une groupe d’amis. En compensation, pour tenter de combler ce besoin non satisfait par le comportement devenu tabou, l’individu développe un comportement dit hyperfonctionnel. Ce comportement fait l’objet d’un désir intense mais s’accompagne en même temps d’une anxiété plus ou moins importante à l’idée de l’échec. Le plus souvent socialement accepté par le sujet, ce comportement compensatoire poursuit un objectif apparemment admis. Il a une deuxième fonction cachée : atteindre l’objectif que poursuivait celui devenu tabou…ce qui explique le comportement ambivalent et obsessif des hypers. Attention donc…les hypers qui peuvent paraître le moteur de certaines de nos passions, perturbent en réalité assez vite notre comportement et nos relations, en nous rendant à la fois insatisfaits des succès, impérieux ou susceptibles vis-à-vis des autres et intolérants à l’échec. Ce surinvestissement émotionnel se traduit par de la susceptibilité, de l’agressivité, du chantage, de la jalousie, méchanceté, peur de l’échec, évitement, procrastination, peur du rejet, anxiété, exagérations émotionnelles.
Quelques questions pour valider l’hyper :
Comment te sens-tu à l’idée de… ?
Comment te sens-tu lorsque tu as obtenu ce que tu souhaitais ?
Comment te sens-tu à l’idée de ne plus faire / recevoir ?
Et si ça ne marche pas ?
Le développement personnel permettra à la fois de retrouver une liberté d’action perdue (liberté d’adopter le comportement jusque-là tabou) et de se libérer des comportements obsessifs compensatoires qui s’étaient mis en place.
Nous verrons dans un prochain article comment gérer chacune de ces familles de motivation pour réveiller, faire le deuil ou désamorcer certaines plutôt que d’autres….
*Virginie Jubault est certifiée Coach Transformance (école de coaching de Vincent Lenhartd) et se forme régulièrement à l’INC (InstituteNeuroCognitivism). Les concepts qu’elle expose souvent très vulgarisés, sont tirés de ces enseignements.