Gérer la performance humaine (1ère partie)
Que faire lorsque quelqu’un ne donne pas satisfaction, lorsque la qualité du travail demandé n’est pas au rendez-vous ? Rares sont les personnes en situation de diriger et d’encadrer des équipes qui ne se sont jamais posé cette question ! Rares, également, sont celles qui ont trouvé des réponses simples et satisfaisantes.
Pour un cabinet d’avocats, dont le principal atout (asset) repose sur les individus, les enjeux de la performance humaine sont pourtant plus importants qu’on ne le croit souvent. De nombreuses études relatives à ce que les Anglo-Saxons appellent le « talent management » (gestion des talents) montrent que même sur un marché de l’emploi favorable, les organisations sont économiquement fragilisées par la non-performance individuelle.
Sur le terrain, celle-ci est souvent vécue comme un état de fait, voire une fatalité. Lorsque le seuil de tolérance est atteint (lorsqu’il l’est), des mesures sont prises et l’individu se retrouve – le plus souvent contre son gré – éjecté de l’organisation.
Les études montrent que ce processus presque « naturalisé » est à la fois insidieux et coûteux. Insidieux, parce que s’il est vécu comme un échec par l’individu, on est en réalité le plus souvent en présence d’une défaillance du management et de l’organisation dont elle doit prendre conscience pour en tirer les leçons. Coûteux, parce bien qu'ils n’apparaissant pas clairement sur un plan comptable, les coûts (hidden costs) liés à la non-performance elle-même, aux départs, et aux recrutements ou remplacements, sont très importants. Une organisation qui ne gère pas correctement la performance humaine mobilise son temps et son énergie à rattraper les conséquences directes ou indirectes de la non-performance. Au lieu, bien sûr, de chercher des pistes de développement ou de gérer sa croissance.
Cette situation, à laquelle s’ajoutent les perspectives d’un marché du droit tendu, milite pour une attention plus grande à la gestion de la performance humaine. Il ne s’agit bien sûr pas de tomber dans l’angélisme. Il existe (et il existera toujours) des comportements individualistes, voire égoïstes, voire même sciemment destructeurs. La problématique première du management consiste d’ailleurs à gérer et maîtriser ces comportements et à mobiliser les individus pour qu’ils apportent une contribution positive au cabinet.
L’objectif de cette fiche est plutôt de proposer un questionnement permettant d’éviter, en conscience, de rentrer dans le processus décrit ci-dessus. Le questionnement ne constitue pas une garantie de réussite mais il permet au moins de rendre plus systématique et plus transparente une réflexion sur la performance humaine au quotidien.
On peut distinguer deux phases : celle du recueil de l’information d’une part et celle de l’analyse d’autre part (cf fiche suivante Gestion de la Performance humaine, 2ème partie).
Le recueil de l’information
Faire un constat de départ objectif
Dans un premier temps, on fera donc le constat qu’un individu ne donne pas satisfaction ou que la qualité de tout ou partie de son travail ne répond pas aux attentes. Ce constat, pour constituer un bon point de départ, doit être objectif, c’est-à-dire dépourvu de jugement de valeur. L’exercice n’est pas simple car on constate souvent que le jugement de valeur précède spontanément une description objective. Ainsi, au lieu de dire « cette personne arrive tous les matins à 10h au lieu de 9h», on sera tenté de commencer par affirmer que « cette personne est une paresseuse ou une tricheuse. » On voit à travers ce simple exemple que le risque est grand d’arrêter là le questionnement puisque l’individu est en fait jugé et catalogué alors même que ce qui est initialement en cause est sa non-performance.
Vérifier que les critères d’évaluation et les attentes sont réalistes
Celle-ci, par ailleurs, ne peut se définir que de façon relative eut égard aux attentes, informelles ou normatives, que l’on peut avoir. Dire « ce collaborateur est lent » peut sembler descriptif, voire même objectif, mais uniquement au regard d’une norme, réelle ou supposée, sur la vitesse d’exécution d’une tâche particulière. Afin de pouvoir prolonger l’analyse, on préférera donc reformuler le constat, ce qui pourra donner, par exemple « ce collaborateur dépasse systématiquement les délais que je lui fixe pour réaliser tel type d’activité. » Le questionnement pourra alors se porter sur le réalisme des délais impartis.
Rassembler les informations pertinentes et factuelles
Pour vérifier que les attentes sont bien réalistes et que le constat est formulé avec suffisamment de précision, on pourra donc rassembler des informations plus précises. Par exemple, identifier si la non-performance est répétée ou isolée, si elle se produit à des moments spécifiques ou dans des circonstances particulières. L’important ici, est de s’intéresser aux faits et pas à des points de vue, forcément subjectifs.
Demander à la personne concernée
Enfin, on pourra tout simplement… poser la question à la personne concernée. Souvent la personne sait pourquoi elle n’effectue pas un travail satisfaisant. Parfois, même, elle en est plus ou moins consciente, elle en souffre, et les comportements générés par cette souffrance viennent dégrader la performance. Cette démarche suppose que l’on soit prêt à confronter la réalité, y compris de ses propres défaillances en tant que manager. Elle suppose en effet que l’on soit prêt à accepter que l’on n’a peut-être pas fait ce qu’il fallait. Elle nécessite aussi qu’on soit prêt à recevoir et gérer correctement l’expression des émotions d’une personne qui se voit en situation de s’expliquer et de se justifier. Bien mené, cet entretien permet souvent d’éclaircir des malentendus ou de clarifier des attentes qui auront pu, par exemple, être mal comprises.