Le rôle de la direction juridique dans la reprise de l'activité post Covid
C’est LE sujet de la rentrée pour les directions juridiques : s’organiser pour accompagner efficacement la reprise d’activité de son organisation.
L’étude « Covid-19 & directions juridiques : Retour d’expérience pour le futur » publiée en juillet par Day One (livre blanc à télécharger en intégralité gratuitement sur le site https://www.dayone-consulting.com/) tire trois enseignements majeurs de cette période particulière :
- le renforcement de la fonction juridique au sein de l’entreprise pendant la crise,
- la capacité des équipes à fonctionner en télétravail,
- la prise de conscience de l’importance du numérique pour les directions juridiques.
Sur le premier constat, la crise a en effet replacé (ou confirmé dans certains cas) la direction juridique au cœur de l’entreprise en lui donnant le rôle qu’elle devrait avoir en permanence, celui d’un partenaire privilégié du business, saisi très en amont et partie prenante de la prise de décision. Il s’agit donc désormais d’être au rendez-vous pour assoir ce positionnement en mettant en œuvre les actions concrètes qui accompagneront la reprise d’activité.
Ceux qui ne l’ont pas fait avant les vacances d’été doivent également entreprendre leur propre « REX Covid » afin non seulement d’être prêts dans l’hypothèse d’un rebond ou d’une autre crise mais surtout, si l’on reste optimiste, pour pérenniser certaines bonnes pratiques, initiatives individuelles, procédures ou outils testés pendant le confinement.
C’est donc une rentrée chargée qui s’annonce pour les directrices et directeurs juridiques puisqu’ils doivent, en parallèle de ce REX et de la gestion quotidienne se mobiliser pour accompagner la reprise. Alors nous vous aidons avec cette liste de 10 actions prioritaires concrètes à mettre en œuvre :
1. Revoir les priorités avec les clients internes - Planification stratégique
Il s’agit d’organiser l’échange des juristes avec leurs clients internes pour redéfinir les priorités et le service attendu. Les priorités du business ont certainement évolué avec la crise et des entreprises se sont même lancées dans de nouvelles activités plus ou moins connexes à leur activité traditionnelle. Les juristes doivent donc s’assoir avec leurs principaux clients pour passer en revue leurs projets et les catégoriser en distinguant ceux que l’on stoppe, ceux que l’on lance et ceux sur lesquels il faut accélérer : ainsi, la plupart des entreprises vont accentuer leurs offres de vente ou de service en ligne au détriment de la vente physique dans une boutique ou une agence ce qui, en termes d’accompagnement juridique, générera un type de travail différent : moins de baux commerciaux, d’actes d’acquisition immobilière ou de contrats de Facility Management à revoir mais de nouveaux contrats avec le créateur d’un site, un hébergeur, des partenariats pour de la publicité en ligne, une plate-forme de télé conseillers et de nombreux sujets sur la gestion des fichiers clients etc.
2. Réallouer les ressources
Pendant la crise sanitaire la plupart des directions juridiques ont su s’adapter pour tenir compte des nouveaux besoins des équipes opérationnelles : des juristes moins sollicités parce que fortement impactés par le ralentissement ou l’arrêt de l’activité de leurs clients (certaines équipes juridiques ont été au chômage partiel) ont parfois été redéployés en soutien d’autres équipes fortement sollicitées. Les compétences juridiques ont été croisées. Pour tenir compte des nouvelles priorités du business il y a ainsi lieu de vérifier que les bonnes ressources sont désormais au bon endroit ; d’autant que certains juristes ont pu se « révéler » durant la crise et développer de nouvelles compétences qu’il serait dommage de ne pas utiliser au moment de la reprise. Enfin, 40% des directeurs juridiques anticipent une forte hausse des contentieux ce qui suppose de repenser l’organisation pour pouvoir les traiter (avec de l’externalisation vers des cabinets d’avocats éventuellement).
3. Former les opérationnels sur les « bonnes pratiques » versus les « pratiques dégradées » du confinement
« Nécessité fait loi » dit le proverbe : durant la crise chacun a pu prendre quelques libertés avec la loi, les procédures appliquées dans l’entreprise les objectifs communs étant d’assurer la sécurité des personnes et de préserver l’activité : des contrats ont été signés sans être revus par le Juridique, des signatures électroniques ont été « bricolées » - avec des ciseaux et de la colle parfois ! -, on a un peu trop échangé avec les concurrents sur des sujets commerciaux ou été moins regardant sur le contrôle a priori des nouveaux fournisseurs retenus…. La rentrée siffle la fin de la récréation et le retour en classe : la direction juridique doit mettre en place ou réactiver les formations contrats, concurrence ou compliance ciblées afin de limiter à la période de crise le risque encouru du fait de ces pratiques.
4. Redéfinir la feuille de route digitale Court Terme / Moyen Terme
La crise sanitaire et le confinement, on l’a dit, ont eu l’effet d’un catalyseur sur la digitalisation des directions juridiques : les derniers freins, technologiques ou psychologiques, ont sauté et la collaboration, entre juristes mais avec le business aussi, s’est intensifiée. Il faut « surfer » sur le mouvement, accélérer sur les projets déjà initiés et en lancer de nouveaux (e-signature bien sûr mais aussi outil de reporting, Contract Management System, génération automatique de documents, système de ticketing pour la saisine des juristes etc)
5. Lancer un projet d’optimisation des coûts juridiques
Depuis plusieurs mois déjà les directions juridiques ont figé ou réduit leurs dépenses ; il s’agit maintenant de conduire une analyse globale, à froid, des dépenses juridiques externes et internes et de les confronter aux nouveaux projets. La digitalisation évoquée plus-haut est étroitement liée à cette optimisation ; les possibilités de recrutements étant réduites, c’est également l’occasion de se pencher sur la « mixternalisation » de l’activité juridique (= le mix entre internalisation et externalisation, le « Make-or-Buy ») et de challenger le budget avocats qui représente en moyenne 40% du budget juridique total.
6. Accélérer les stratégies « push »
Cette action participe évidemment à l’optimisation des coûts : le recrutement de juristes supplémentaires n’étant pas à l’ordre du jour, il s’agit d’être plus efficient, de travailler différemment pour travailler mieux, de revoir les process et d’être précis sur les tâches à réaliser par les juristes.
L’analyse des « push » permet ainsi d’identifier des actions :
• Push down : ce qui est délégué/déléguable à un juriste junior, paralegal ou assistant(e)
• Push away : ce qui est délégué/déléguable à un client interne
• Push out : ce qui est délégué/déléguable à un cabinet d’avocats
• Stop it : ce qui doit être abandonné
• Digitize it : ce qui peut être réalisé par un outil digital
7. Développer les modèles de contrats simples en libre-service
C’est une stratégie de “push away” à considérer en priorité : avec la crise et parce que les juristes étaient souvent débordés, certains opérationnels ont été amenés à travailler en autonomie sur des contrats simples, récurrents ; il peut être intéressant de pérenniser cette pratique en l’encadrant via une procédure, des templates, des trames de contrats en libre-service etc et de former en parallèle les opérationnels à leur utilisation.
8. Penser l'organisation de demain (télétravail, collaboratif, gestion de projet, gouvernance de l'information juridique…)
L’engagement des équipes pendant la crise sanitaire ayant validé le principe du télétravail pour les directions juridiques avec un impact positif sur l’ambiance, les comportements et la motivation des collaborateurs. Les directeurs juridiques anticipent ainsi en moyenne 2,2 jours de télétravail pour leurs équipes dans le futur .
Avec le télétravail et la smart collaboration, le fonctionnement en mode projet a été plébiscité et devra être privilégié. Attention cependant : le passage du télétravail « de crise » à un télétravail « normal », institutionnalisé, doit être géré de manière à maintenir l’investissement et l’implication des équipes dans la durée.
9. Assurer la cohérence des positions juridiques pour minimiser les risques
L’audit des contrats en cours que chaque direction a dû conduire au début de la crise sanitaire a parfois révélé des failles, des incohérences par rapport à certaines clauses ou analyses (force majeure, imprévision, compliance etc). Il faut profiter de cet audit pour s’assurer que la direction produira à l’avenir des positions communes cohérentes an vue de les communiquer aux opérationnels.
10. Structurer la fonction « legal operations »
C’est un autre enseignement de cette période : avec l’accélération de la digitalisation et les nouvelles organisations, les « legal operations » sont désormais une composante à part entière du Juridique et ce nouveau rôle doit être pris en charge : par un legal operation officer ou par plusieurs juristes désireux de s’investir sur ce type de projets en plus de leur activité strictement juridique.
Avec le directeur juridique ils seront le rouage essentiel de l’accompagnement réussi de la reprise d’activité.