Le défi de la fonction juridique pour une ETI
Par Jérôme Rusak - Associé DAY ONE
Les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) constituent une des principales armes économiques de la France. Ce sont souvent des groupes familiaux qui se sont développés très vite, sont cotés, ont étendu leur activité à l’international, et atteint une taille et un chiffre d’affaires conséquents, qui en font des petites « grandes entreprises ». Elles font souvent face aux contraintes des sociétés du CAC 40 sans les process et fonctions support nécessaires. La fonction juridique constitue un élément clef du passage à l’âge adulte de ces ETI, elle a besoin de se structurer.
1. Les limites de la fonction juridique dans une ETI
1.1 Une fonction juridique développée de manière opportune dans les ETI
La fonction juridique s’est souvent développée « sur le tas », de manière opportune, par des recrutements successifs pour répondre à une augmentation de volume de l’activité… ou parfois, elle est gérée même jusqu’à un stade avancé du développement de l’entreprise par un DRH ou un DAF qui s’appuient sur des conseils externes (avocats).
- En conséquence, le budget juridique externe est élevé.
- « Tout le monde fait tout » au sein de la direction juridique.
1.2 Faible culture juridique dans les ETI
Les ETI sont souvent marquées par une faible culture juridique de l’entreprise qui entraine une non compréhension des risques et enjeux légaux liés à une non contractualisation ou à une non revue par le juridique par exemple
- La fonction juridique est souvent perçue comme un frein au business
- La perception du rôle de gardien du temple est largement supérieure à la perception du rôle de business partner
1.3 Croissance des contraintes juridiques pour les ETI
De par leur croissance et leur expansion (notamment à l’international), les ETI font face à de plus en plus de contraintes réglementaires qui nécessitent des expertises juridiques fortes tant en qualité qu’en quantité pour répondre à une augmentation du volume de l’activité
- Croissance exponentielle des demandes de NDA ou autres demandes « basiques » mais consommatrices de temps pour les juristes
- Démultiplication des obligations de suivi et de réglementaire (besoins en droit des sociétés, en fiscalité…)
- Des risques de non-conformité réglementaire
- L’inflation législative nécessite des compétences juridiques spécifiques
1.4 Manque de visibilité et de priorisation sur les besoins et risques juridiques pour les ETI
Pour franchir un cap de maturité, le management a besoin de plus en plus de visibilité sur les risques juridiques et l’alignement de l’organisation juridique avec la stratégie de l’entreprise
- Besoin de donner la visibilité au management
- Besoin de sécuriser le business
- Besoin de prioriser le travail des juristes
- Donner des interlocuteurs dédiés aux BU
- Permettre au juridique de se focaliser sur ce qui est à forte valeur ajoutée pour l’entreprise
Face à ces limites inhérentes au développement d’une ETI, la fonction juridique doit donc se structurer.
2. Dresser un état des lieux de la fonction juridique de l’ETI
2.1 Qualifier et quantifier les besoins en juridique de l’ETI
- Qui sont les clients internes ?
- Quels sont les besoins juridiques de l’entreprise, des différents clients internes (contrats, conseil, fusion-acquisition, propriété intellectuelle, droit des sociétés…) ?
- Quelles sont les attentes par rapport au juridique (du management, des directions opérationnelles…) ?
- Qu’est ce qui est prioritaire et qu’est ce qui est secondaire ?
- Quelle est la volumétrie de ces besoins ?
2.2 Identifier l’ensemble des parties prenantes de la chaine juridique dans l’ETI
- Qui produit de la matière juridique (contrats, conseil, droit des sociétés…) ?
- Les personnes (juristes ou non juristes) qui traitent des sujets juridiques sont-elles les plus appropriées (en termes d’expertise, de séniorité) ?
2.3 Qualifier et quantifier les ressources juridiques nécessaires pour l’ETI
- Valider le périmètre de la fonction juridique par rapport à la Direction Financière, par rapport aux Ressources Humaines, par rapport aux Achats ?...
- Une direction juridique centralisée ou des juristes en local ?
- Quelles compétences en interne ?
- Quelles compétences externaliser vers un cabinet : analyse des coûts juridiques internes vs. les coûts juridiques externes (avocats) ?
3. Structurer la fonction juridique
3.1 Planifier
- Cartographier les principaux risques juridiques
- Evaluer le niveau de maturité du juridique sur les 16 grandes pratiques organisationnelles d’une fonction juridique
- Prioriser les projets
- Définir des indicateurs de performance et piloter la fonction
3.2 Réorganiser la fonction juridique
- Positionnement: définir le positionnement et les messages clefs du juridique (l’offre de la direction juridique ou 30 3 30© )…
- Clients internes: former les opérationnels, clients internes sur le juridique et mettre à disposition des modèles standard si nécessaires…
- Gestion de l’équipe juridique: optimiser l’effet de levier ; former les juristes (sur le juridique et le non-juridique tel que la gestion de projet juridique)…
- Knowledge management et innovation: développer le partage de connaissance entre juristes au sein de l’équipe (modèle, clausier…), développer le partage de connaissance avec les opérationnels et clients internes…
- Organisation de la fonction: fonctions juridiques régaliennes (droit des sociétés, M&A, propriété intellectuelle, environnement…) vs. juristes opérationnels ; direction juridique centralisée vs. des juristes en local (par pays, par région) ? ; digitaliser ce qui peut libérer du temps de valeur ajoutée pour les juristes…
Le développement de la fonction juridique dans les ETI nécessite de passer en revue les besoins prioritaires de l’entreprise et d’aligner les ressources avec la stratégie. De par une taille limitée de la fonction juridique, cela implique dans une ETI d’être capable de définir les risques juridiques majeurs et les priorités sur lesquelles les juristes devront se concentrer.