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Sites des cabinets d'avocats : tirez les leçons du vade-mecum du CNB et du constat de l'étude MyCercle

Par Brigitte Van Dorsselaere, Image juridique

En mars 2016, le Conseil national des barreaux (CNB) a diffusé son vade-mecum de la communication des avocats, élaboré par la Commission des règles et usages du CNB, pour les aider à promouvoir leur cabinet, notamment via leur site internet. Démarche bien utile puisqu’au même moment, l’étude MyCercle, publiée également en mars dernier, révèle que, non seulement, les cabinets d’avocats utilisent très peu internet pour échanger avec leurs clients mais, en plus, ils le font de manière peu sécurisée.

I - Un guide des bonnes pratiques, très incitatif
Cette première édition du guide de bonnes pratiques du CNB consacre 11 pages aux sites web, sur un document d’une centaine de pages. Elle fournit de nombreuses informations concrètes destinées à aider les avocats à « valoriser leur domaine d’activité », via la publicité personnelle, le démarchage, la publicité par Internet, les annuaires commerciaux et l’information professionnelle.

Ce guide se révèle très incitatif, soulignant la nécessité pour l’avocat de communiquer : « N’hésitons plus : communiquons ! » lance Pascal Eydoux, Président du CNB, dès la première page du Vade-mecum. En effet, face aux nouvelles règlementations, aux moyens de communication de plus en plus variés, notamment au développement de la communication numérique et des réseaux sociaux, l’avocat « doit être visible et afficher davantage ses compétences […] pour évoluer dans un environnement toujours plus concurrentiel et pour répondre à la demande de droit » poursuit-il, expliquant que les nouvelles réglementations applicables, notamment en matière de démarchage, constituent un « véritable bouleversement au sein de notre profession dont les membres sont peu habitués à communiquer individuellement ».
 
                  « 1 cabinet sur 3 seulement est aujourd’hui doté d’un site internet »


En ce sens, l’étude MyCercle, menée sur 1840 cabinets dans 13 barreaux, fait apparaître que la grande majorité des cabinets utilise encore très peu Internet pour échanger avec leurs clients. Cela dépend de la taille des cabinets : ainsi, 1 cabinet sur 3 seulement est aujourd’hui doté d’un site internet, ce qui est plus faible que dans les autres professions ou petites entreprises comparables. 20% seulement des petits cabinets individuels sont équipés, 58% des cabinets de 2 et 3 avocats, 84% des cabinets entre 4 et 10 avocats, 94% entre 11 et 100, et 100% au-delà de 100. Et lorsqu’ils ont un site, celui-ci constitue juste une vitrine, la partie dynamique se limitant à un formulaire de prise de contact et d’informations juridiques. L’étude précise qu’un cabinet sur 100 offre des fonctionnalités réservées aux clients et est équipé d’un espace client sécurisé. Les échanges avec les clients se font le plus souvent par mails et pièces jointes, de façon non sécurisée (Source : le monde du droit, 11/4/16, A. Dumourier, Les avocats utilisent peu internet pour communiquer avec leurs clients).

Espérons que le guide du CNB pourra faire avancer les choses !

II - Un site du cabinet, du collaborateur, du Groupement d’intérêt économique (GIE) ?
Le CNB distingue le cas de l’avocat collaborateur salarié, qui ne peut pas créer de site professionnel à titre personnel puisqu’il n’est pas en mesure d’avoir de clientèle personnelle, de celui du collaborateur libéral, qui est en droit de créer son propre site. Ce dernier doit alors mentionner son nom, pour respecter la réglementation professionnelle mais aussi pour pouvoir être trouvé via les moteurs de recherche.

Les membres d’un GIE peuvent, quant à eux, avoir un site internet commun sous réserve de ne pas donner l’illusion, dans son contenu, de l’apparence d’une structure d’exercice inexistante. Il faut donc bien y décrire la notion de GIE et son mode de fonctionnement (avec, par exemple, une rubrique intitulée « Présentation du GIE » en précisant que le groupement est composé d’ X avocats et qu’il a pour objet la mise en commun de moyens). Il ne faut pas y faire référence à la notion d’associé de la structure, de clientèle commune ou de cabinet.

III - Le choix du nom de domaine n’est pas libre
Si l’avocat exerce seul, le nom de domaine ne peut comporter que le nom de l’avocat, éventuellement son prénom, ou leur abréviation, suivi ou précédé du mot « avocat ». De la même façon, le contenu du site ne doit pas laisser penser au public qu’il s’adresse à une structure composée de plusieurs avocats. S’il exerce au sein d’une structure, le nom de domaine doit comporter le nom de l’avocat ou la dénomination du cabinet en totalité ou en abrégé, suivi ou précédé du mot « avocat ».

                « Un nom de domaine ne doit pas évoquer de façon générique le titre de l’avocat »


Mais, surtout, le nom de domaine ne doit pas évoquer de façon générique le titre de l’avocat ou un titre pouvant prêter à confusion, un domaine du droit ou une activité relevant de celles de l’avocat : les noms de domaine « avocat-toulouse.com », « avocats-paris.org », « avocat-divorce.com », « avocatpermis.fr » « avocat-accident-route.fr », « avocat-conseils.fr », « actavocat.fr » sont par exemple trop génériques. Un terme générique peut cependant apparaître dans le nom de domaine dès lors qu’il est complété du nom de l’avocat ou du cabinet, en totalité ou abrégé (« nom-avocat-travail-ville.fr » est conforme).

Enfin, un avocat ne peut se prévaloir d’un droit acquis sur le nom de domaine choisi, celui-ci devant correspondre à l’activité réellement exercée (« dupont-droit-du-travail.com » est accepté si l’avocat exerce bien le droit du travail) et ne doit pas avoir un caractère trompeur par son utilisation.

Si le nom de domaine n’est pas conforme aux règles déontologiques, l’avocat pourra recevoir un courrier du bâtonnier qui lui demandera de le modifier, voire une injonction de se mettre en conformité via un référé sur le fondement du trouble manifestement illicite.

IV - Des mentions obligatoires, autorisées, recommandées….
Le site doit comporter certaines mentions classiques : nom, qualité, localisation, coordonnées, barreau, structure, réseau, droits et émoluments en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation, et de suretés judiciaires. Il faut aussi y ajouter les mentions légales (nom du cabinet, adresse principale, coordonnées postales, téléphoniques et électroniques, nom et coordonnées du directeur de publication du site, nom et coordonnées de l’hébergeur du site, mention Informatique et libertés s’il est procédé à un traitement de données personnelles via le site, par exemple par un formulaire de contact, et dispositions spécifiques relevant du droit de la consommation si le site fournit des prestations à distance).

Au-delà de ces mentions obligatoires, le cabinet peut présenter sur son site son fonctionnement, ses spécialités (avec le logo spécifique proposé par le CNB s’il le souhaite, mais seulement en cas d’obtention des certificats de spécialisation), ses domaines d’activités, des commentaires de jurisprudence, le parcours des avocats, les coordonnées des cabinets secondaires (déclarés au Conseil de l’Ordre du barreau auquel il appartient et autorisé par celui du barreau d’établissement).

                           "Le CNB recommande une rubrique relative aux honoraires du cabinet"


Le CNB recommande aussi d’y prévoir une rubrique relative aux honoraires du cabinet, pour se mettre en conformité avec l’obligation de prévisibilité des honoraires (loi Macron du 6/8/15 pour la croissance et l’activité modifiant l’article 10 de la loi du 31/12/71) et les disposition du Code de la consommation. Il y sera stipulé l’obligation de conclure par écrit avec le client une convention d’honoraires précisant le montant et le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles ainsi que les frais, débours et émoluments (RIN art.11.1).
Le CNB préconise de prévoir sur cette page : le montant des honoraires pour certaines prestations, le mode de détermination des honoraires (qui peut tenir compte des usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et de ses diligences), les modes de facturation, la possibilité de saisir le bâtonnier en cas de contestation sur les honoraires et de recourir à un médiateur de la consommation.
On se demande souvent comment remplir une éventuelle page « honoraires » sans rester trop dans le flou, la réponse est apportée.

V - Et d’autres mentions interdites…
En revanche, et de façon classique, il est interdit de mettre sur le site toute publicité mensongère, trompeuse, comparative, dénigrante, ou toute autre mention pouvant créer dans l’esprit du public l’apparence d’une structure d’exercice inexistante ou d’une qualification professionnelle non reconnue, toute référence à des fonctions non liées à l’exercice de la profession d’avocat et toute référence à des fonctions juridictionnelles.

                               « Le site ne doit pas mentionner le nom des clients »

Le site ne doit pas non plus mentionner le nom des clients du cabinet, y compris si ces derniers ont donné leur accord, au titre du secret professionnel qui s’impose à la profession de façon absolue. Dans les rubriques décrivant l’activité du cabinet, il est ainsi possible d’illustrer les types de dossiers traités, sans toutefois permettre d’identifier le nom du client.

Cependant, paradoxalement, les communiqués de presse émanant de tiers ou de clients peuvent être cités par les cabinets au titre de leur communication. Ainsi, « ils peuvent reprendre des informations dont l’objet est la divulgation au public d’une situation juridique, même lorsqu’elle mentionne la qualité d’avocat de l’un des conseils ayant concouru à l’opération ». On reconnaît ici les reprises de communiqués de presse relatifs aux deals, largement diffusés sur les sites de la profession. Le site ne peut toutefois ni révéler des éléments de circonstances reçus dans le cadre de l’opération, couverts par le secret professionnel, ni reprendre des informations, même divulguées, n’ayant pas vocation à être connues du plus grand nombre.

VI - Oui à l’achat de liens sponsorisés, non aux liens renvoyant vers des commentaires de clients

Tout d’abord, l’avocat peut acheter des liens sponsorisés sur internet pour référencer son cabinet. Cette démarche relève de la publicité personnelle et est autorisée si les liens correspondent, bien sûr, à une activité et une compétence réelles du cabinet.

Ensuite, le site du cabinet peut prévoir des liens vers d’autres sites, mas pas n’importe lesquels. Il est ainsi interdit, de façon classique, de prévoir des liens hypertextes vers des sites dont le contenu serait contraire aux principes essentiels de la profession. Par sécurité, le CNB recommande ici de limiter ses liens à des sites institutionnels. Il met aussi en garde contre les liens renvoyant à des pages personnelles sur les réseaux sociaux, ce qui peut créer une confusion entre la vie privée et professionnelle et porter ainsi atteinte à la dignité de la profession.

                 « Le site ne peut pas renvoyer vers des commentaires laudatifs de ses clients »

Plus novateur, le site ne peut pas non plus renvoyer vers des commentaires parfois laudatifs de ses clients sur le cabinet. Pour le CNB, toutes mentions dont on ne peut garantir « ni la provenance, ni la véracité, ni l’objectivité » sont contraires aux principes essentiels de la profession. Il souligne qu’il est facile pour toute personne, « y compris l’avocat […] de se faire passer pour son client et de déposer un commentaire », positif ou non. La publicité devient alors « déguisée à l’égard du client potentiel à la recherche d’un avocat sur internet ». Et même si le commentaire provient bien du client, cet avis ne se base que sur une expérience personnelle et subjective de consommation et ne répond pas à l’objectif d’informer le public. Par ailleurs, en affichant que les commentaires positifs, l’avocat ne garantit pas une présentation juste et sincère de la nature des services proposés.

Enfin, de façon plus générale, diffuser des commentaires faisant l’éloge de l’avocat ou du cabinet constitue un « manquement aux principes de délicatesse, de modération, de dignité », faisant observer que l’avocat est automatiquement responsable des commentaires publiés. Le site « avocat.net » qui proposait des notations d’avocats a ainsi été condamné par la Cour d’appel de Paris le 15 décembre 2015.

À noter que le cabinet n’est plus tenu de communiquer à l’Ordre les nouveaux liens de son site, comme il était exigé auparavant. Pour se protéger, le site peut prévoir une clause d’exclusion de responsabilité civile en ce qui concerne les liens hypertextes prévus sur son site. Cela apparaitra dans les mentions légales. Toutefois, il demeurera responsable sur le plan disciplinaire.


En tous domaines, on le voit, la référence aux « principes essentiels de la profession » reste le critère fondamental pour apprécier sa marge de manœuvre. Dans l’avant-propos du vade-mecum, Dominique Piau, Président de la Commission des règles et usages du CNB, souligne « la nécessaire souplesse naturelle d’interprétation » des règles professionnelles, qui continuent ainsi à s’adapter au monde qui bouge.

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