Communication des noms des clients : une heureuse clarification
Un des derniers verrous officiels à la libre communication des avocats a sauté avec la récente modification du Règlement Intérieur National (RIN) adoptée par l’assemblée générale du Conseil national des barreaux le 28 avril dernier.
Cette décision à caractère normatif (la première des décisions du Conseil national à être publiée au Journal officiel en application du décret du 15 mai 2007) complète en effet l’article 2-2 sur le secret professionnel afin d'autoriser l'avocat à « faire mention des références nominatives d'un ou plusieurs de ses clients avec leur accord exprès et préalable » dans les procédures d'appels d'offres publics ou privés et d'attribution de marchés publics.
Cette décision prend donc acte de l’état de la pratique en entérinant des usages finalement répandus. Elle permet une heureuse clarification de la déontologie officielle et valide les pratiques pragmatiques de tous ceux qui citaient déjà leurs clients et références dans leurs réponses à des appels d’offres, qu’ils soient publics ou privés et, plus largement, dans l’ensemble de leurs documents marketing.
Il faut en effet rappeler l’état de la déontologie jusqu’à cette dernière avancée. L’article 10 du RIN qui dispose que « la publicité est permise à l’avocat si elle procure une information au public et si sa mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession » autorise la communication. Il reste cependant silencieux sur la question des noms des clients, à l’exception d’une tolérance (art. 10-8 RIN) pour les plaquettes destinées à une stricte utilisation à l’international. C’est donc l’article 2-2 sur le secret professionnel qui régit la question en interdisant en principe jusque-là aux avocats de faire, de quelque manière que ce soit, état de leurs clients. La doctrine officielle tolérait quelques exceptions, notamment dans le cadre de procédures d’appels d’offres internationaux sur lesquels des cabinets français étaient en concurrence avec des cabinets anglo-saxons faisant, eux, largement et librement usage de leurs références clients .
Rappelons maintenant l’état de la pratique. Les cabinets d’affaires, influencés en cela depuis de longues années par les usages anglo-saxons, font en permanence état de leurs références et, par-là même, des noms de leurs clients. A commencer dans les communiqués de presse informant des opérations réalisées dont la principale vocation est, par essence, d’être repris, le plus fidèlement possible et par le maximum de journalistes, afin de garantir au cabinet une audience et une visibilité les plus larges. Ces communiqués, qui supposent évidemment - et notamment du fait de la délicatesse à laquelle l’avocat est tenu par sa déontologie - l’accord du client, participent à la bonne information du public, et personne ne penserait à les remettre en cause. Surtout pas le client qui se félicite souvent, si la communication autour d’une opération est bien orchestrée, de cette publicité supplémentaire faite à sa cause.
Autre exemple : la nécessaire information des annuaires et revues opérant des classements et référencement des firmes, qui suppose là-encore la communication de listes très complètes de clients. Ces supports participent eux aussi à la bonne information du public sur un marché où l’offre n’est pas toujours très distinctive. Si certains avocats, selon leur pratique, acceptent la publication des noms de leurs clients les plus emblématiques, dont les dossiers sont d’ores et déjà sur la place publique, il est évidemment possible de mettre ces informations à disposition des supports à titre strictement confidentiel.
Derniers exemples : les documents marketing. Les plus « audacieux » des cabinets avaient pris l’habitude il y a plusieurs années déjà de publier les noms de leurs clients sur leur site web, en y faisant notamment figurer leurs communiqués de presse. Beaucoup, à l’image de ce que font les banques d’affaires éditent aujourd’hui des plaquettes qui reprennent leurs listes d’opérations parfois illustrées des logos de leurs clients.
On ne peut donc que se féliciter de cette décision du Conseil national d’entériner des pratiques répandues et d’assimiler la culture du marketing dans un contexte évident de mondialisation et de concurrence sévère. Les instances représentatives de la profession veilleront certainement à ce que les dérives soient évitées, mais cela est avant tout entre les mains des avocats et de leurs responsables communication et marketing. Rappelons d’abord que ce qui est valable dans la sphère du droit des affaires ne l’est pas forcément dans la sphère de la défense des particuliers, de même que ce qui est possible en matière de prestations de conseil ne l’est pas forcément en matière contentieuse. D’autres textes viennent là prendre le relais de la déontologie : la protection de la vie privée et tout ce qui relève du secret de l’instruction notamment.
On ne peut donc omettre de citer le 2e alinéa du texte introduit à l’article 2-2 du RIN : « Si le nom donné en référence est celui d’un client qui a été suivi par cet avocat en qualité d’associé ou de collaborateur d’un cabinet d’avocat dans lequel il n’exerce plus depuis moins de deux ans, celui-ci devra concomitamment aviser son ancien cabinet de la demande exprès adressée à ce client et indiquer dans la réponse à l’appel d’offres, le nom du cabinet au sein duquel l’expérience a été acquise ». Si les conditions de son application paraissent un peu compliquées, cette disposition ne vient en théorie, pas inutilement rappeler que marketing et développement des structures doivent s’accorder avec mesure et délicatesse.