Acheter de l'espace : quelle stratégie ?
L'autorisation de la publicité puis du démarchage réalisée en plusieurs étapes depuis 1991 est pour certains avocats une véritable révolution culturelle. Pour d'autres les dernières avancées législatives en matière de démarchage, dues à la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (loi Hamon), n'ont fait qu'entériner des pratiques de marketing déjà très structurées. Comment cadrer une vraie stratégie d'achat d'espace sans céder à des offres attractives de manière impulsive ? Comment capitaliser intelligemment sur la possibilité d'adresser
des offres de services personnalisées ?
Les avocats et leurs conseils sont quotidiennement sollicités par des commerciaux qui leur proposent de devenir partenaires de leurs magazines, hors-séries, annuaires thématiques à travers l'insertion de pages publicitaires ou de publi-reportages.
Tous les types de presse sont concernés qu'il s'agisse de la presse dite « papier » ou de « pure players » du digital : les quotidiens économiques, la presse économique et financière et la presse magazine à travers des dossiers spéciaux, la presse professionnelle et naturellement la presse juridique même si, dans cette dernière catégorie, une partie des éditeurs ont délibérément choisi de ne pas ouvrir leurs espaces publicitaires aux avocats.
La publicité est évidemment un moyen efficient pour installer une marque sur un marché de plus en plus concurrentiel, présenter sa structure et son offre de compétences. Mais encore faut-il que les budgets alloués soient judicieusement utilisés.
I - Complémentarité avec d'autres actions de communication et récurrence
La publicité doit être envisagée dans la globalité de la stratégie de marque et comme un outil complémentaire d'autres axes de communication. Elle vient soutenir une campagne de relations presse,
institutionnaliser un évènement de relations publiques, compléter une information dans un annuaire. Concernant les prestataires de services que sont les avocats, elle ne se suffit pas à elle-même. L'avocat doit, avant tout, se présenter comme un expert et la seule insertion publicitaire ne suffit pas à le légitimer. Par ailleurs, la publicité doit s'inscrire dans un rythme régulier. Le one shot, sauf parfaitement ciblé à l'occasion d'une opération exceptionnelle, est inefficace. Pour promouvoir un nom ou une marque et institutionnaliser une structure dans des supports qualitatifs, seule la récurrence est opérante.
II - Investir à bon escient
Le retour sur investissement que l'on peut attendre des dépenses publicitaires est délicat à mesurer dans un cabinet d'avocats mais dépend en premier lieu de la rencontre effective avec la cible. Il est
donc indispensable de vérifier quelques données élémentaires avant de signer la réservation d'un espace publicitaire : audience du support (tirage, nombre d'abonnés, taux de prise en main ou nombre de pages vues), mais aussi la qualité du lectorat, c'est-à-dire sa catégorie professionnelle (avocats, directions juridiques, professionnels spécialisés, directions générales, institutions, étudiants, etc.)
Consacrer plusieurs milliers d'euros en achat d'espace dans des supports s'adressant majoritairement aux confrères ou encore aux étudiants peut participer d'un choix délibéré et d'une vraie stratégie
(dans ce cas, en matière de recrutement notamment) mais il faut alors qu'il soit clair pour tous qu'il ne s'agit pas d'une communication tournée vers les clients...
Les conditions de diffusion devront également être analysées : la distribution exceptionnelle lors d'un colloque, d'une formation professionnelle ou encore en kiosque à l'occasion par exemple d'un numéro hors-série, augmente l'audience d'un magazine ou d'une lettre confidentielle de manière significative et peut donc justifier un investissement publicitaire.
Compte tenu de la multiplication et du foisonnement des offres, circonspection et discernement s'imposent donc pour faire des choix raisonnables et efficaces en matière de budget publicitaire.
La stratégie d'achat d'espace publicitaire doit être régulièrement questionnée et remise en cause. Elle accompagne les différents stades du développement d'une structure. Ainsi, dans une phase de lancement d'un cabinet ou d'une pratique, on pourra opter pour une approche globale, multicanale visant à installer la marque sur un large marché puis, dans un second temps, le cabinet pourra se concentrer sur une approche plus ciblée pour développer une image d'expertise ou centrer la communication sur un public plus ciblé.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que la plupart des supports, print ou digitaux, vivent de la publicité et des partenariats. Les avocats ont besoin que leurs messages soient relayés, que leurs expertises soient valorisées, de même qu'ils ont besoin de sources d'information. Au même titre que tout citoyen, ils peuvent se satisfaire de l'existence de sources d'information diversifiées et foisonnantes. Acheter à bon escient des pages de publicité, c'est aussi participer à maintenir la qualité et la diversité de cette offre.