Divorce à l’anglaise
Cet éditorial a été publié dans LJA Le Magazine n°43 juillet/août 2016
“A successful divorce is better than a failed marriage. Good luck to this new and future third country! #Brexit”. Ce message twitté de bon matin le 24 juin dernier dès l’annonce du résultat du référendum britannique par la députée européenne, ancien membre de la Commission, Viviane Reding, est sans ambiguïté. On pourrait le traduire en français en moins de 140 signes par « bon vent ! ». Et il reflète bien l’exaspération d’une partie des élus et fonctionnaires européens à l’égard de cet État membre qui a toujours eu un pied dedans et un pied dehors, et qui s’apprête désormais à négocier les conditions d’un éventuel divorce. Ou plus exactement, celles du PACS qui, à l’avenir, régira les relations entre les deux partenaires. Car s’il s’agit effectivement de désunion, il n’est pas question d’union libre pour autant. Si le processus va jusqu’au bout, un traité viendra en remplacer un autre.
S’il s’agit effectivement de désunion, il n’est pas pour autant question d’union libre
Encore inusitée à ce jour, la procédure de retrait promet d’être longue, et les négociations tendues. Quant à la liste des sujets à traiter, elle semble s’allonger chaque jour davantage. S’agit-il d’un divorce à l’amiable, par consentement mutuel, ou pour faute ? Peut-on reprocher son infidélité au Royaume-Uni, dont le cœur a toujours été partagé entre l’Europe et les États-Unis ? Comment se répartissent les responsabilités dans un mariage à 28 ? Que proposer aux enfants du Royaume désuni prêts à quitter la reine mère pour rester dans le giron de l’Union ?
Comment se répartissent les responsabilités dans un mariage à 28 ? Que proposer aux enfants du Royaume désuni prêts à quitter la reine mère pour rester dans le giron de l’Union ?
L’issue du référendum ouvre également un large champ d’incertitude pour les cabinets d’affaires britanniques, lesquels s’étaient assez massivement prononcés pour le “remain”. Ainsi, lors de la session plénière du Conseil des barreaux européens en mai dernier, les membres de la délégation de la Law Society of England & Wales arboraient tous un badge “I’m in”. Et comme bien d’autres à Londres, la majorité des solicitors pensaient que, même si le camp du brexit faisait beaucoup de bruit, la majorité silencieuse allait l’emporter. Passée la surprise, l’incertitude et l’inquiétude se sont durablement installés.
Début juillet, alors que les responsables politiques des deux bords abandonnaient le navire les uns après les autres, un cabinet d’avocats londonien a annoncé avoir lancé pour le compte de clients une action judiciaire pour s’assurer qu’avant toute notification à l’Union européenne le gouvernement britannique soumettrait la demande de divorce au vote du Parlement. Une perspective qui, si elle est mise en œuvre, promet de donner lieu à d’âpres et longs débats, à l’issue aléatoire. Seule certitude dans cette nébuleuse politico-juridico-économique : les Britanniques ne sont pas encore sortis de l’auberge européenne.