Les enjeux juridiques de la COP21
Par Patricia Savin et Yvon Martinet, avocats associés, DS Avocats
Dans la continuité des Conférences des Parties à la Convention-cadre de l’ONU sur les changements climatiques (CCNUCC), la COP21 revêt un aspect particulièrement symbolique.
Réunissant les États-parties dix ans après l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, la conférence "Paris 2015" devrait permettre aux États-parties, d’une part de dresser le bilan de ces dernières années et, d’autre part, de trouver un accord pour contenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C.
Les négociations se concentreront notamment sur le principe de responsabilité commune mais différenciée des États (I) ainsi que sur les règles leur permettant de mesurer, notifier et vérifier leurs actions respectives afin de les inscrire dans une démarche globale (II).
I. La mise en œuvre du principe de responsabilité commune mais différenciée des États-parties
Au regard de la grande disparité entre les États-parties à la Convention, les obligations de réduction des émissions sont définies selon leurs capacités respectives (Convention cadre des Nation Unies sur les changements climatiques, article 3, §1). La répartition des quotas d’émissions est faite entre pays développés et pays en voie de développement suivant leur situation socio-économique. Si ce mécanisme permet donc à une majorité d’États d’adhérer à la Convention, sa mise en œuvre nécessite cependant des précisions.
Comment anticiper et y intégrer l’évolution économique d’un pays ? Cette distinction binaire est-elle aujourd’hui toujours pertinente ? Un des enjeux majeurs de la COP21 sera donc de définir les modalités concrètes de mise en œuvre de ce principe.
À cet égard, il pourrait être pertinent de permettre une plus grande flexibilité, via une nouvelle classification des États, ce qui apporterait à la lutte contre le réchauffement climatique une dimension concrète et réalisable.
II. Le principe du Measuring, Reporting and Verification (MRV)
Les dispositions de la CCNUCC reposent sur une connaissance fiable des activités des États-parties et prévoient à cet égard des règles contraignantes. Afin d’apprécier les efforts fournis en fonction des capacités propres de chacun, chaque pays est tenu de publier et de détailler les actions qu’il a engagées auprès des organes de la Convention (CCNUCC, articles 4 et 12).
Les accords de Cancún de 2010 ont par ailleurs précisé la nature du rapportage exigé et ont rendu obligatoire la publication pour les États-parties d’un rapport biennal décrivant leurs engagements nationaux.
Les négociations de Paris devront notamment porter sur le renforcement de ces règles « MRV » et sur la détermination des suites qui pourraient être données en cas de non-respect de leurs obligations respectives.
Le renforcement juridique de ces deux mécanismes donnerait ainsi une nouvelle impulsion à la lutte contre le réchauffement climatique, ce qui permettrait aux pays d’entamer une réflexion sur les impacts directs et indirects de ce phénomène notamment en termes de déplacés environnementaux (article 14.f des accords de Cancún visant « l’adoption de mesures propres à favoriser la compréhension, la coordination et la coopération concernant les déplacements, les migrations et la réinstallation planifiée par suite des changements climatiques, selon les besoins, aux niveaux national, régional et international »).
Cette tribune a été publiée dans la LJA 1210 du 26 mai 2015