Contrôle des investissements étrangers en France : vers un régime plus simple ?
Paru dans La Lettre des Juristes d’Affaires, N° 1326 du 20/11/2017
Par Jean-Robert Bousquet, Avocat associé et Adeline Benoit, Avocat, CMS Bureau Francis Lefebvre.
Le régime relatif au contrôle des investissements étrangers en France a été modifié par le décret n° 2017-932 du 10 mai 2017 portant diverses mesures de simplification pour les entreprises.
Avant ce décret, pour rappel, les opérations d’investissement envisagées par des étrangers (ressortissants de l’Union européenne ou non) pouvaient donner lieu à trois formalités distinctes, le cas échéant cumulatives, selon l’opération considérée : une autorisation préalable du ministre de l’Economie, une déclaration administrative auprès du Trésor et une déclaration à des fins statistiques (auprès de la Banque de France ou du Trésor).
Le décret clarifie le formalisme applicable en supprimant l’obligation de déclaration administrative auprès de la Direction du Trésor (ancien art. R. 152-5 du cmf) – tout en créant un nouveau régime de déclaration pour les opérations soumises à autorisation préalable (art. R. 153-13 du cmf) – et la déclaration statistique auprès de la Direction du Trésor (ancien art. R. 152-4 du cmf). Désormais, le régime ainsi modifié prévoit :
• une autorisation préalable (art. L . 151-3 du cmf) du ministre de l’Economie pour les opérations réalisées par des investisseurs d’Etats tiers (investissements concernés visés aux art. R. 153-1 et R. 153-2 du cmf) ou européens (liste réduite d’investissements concernés, cf art. R. 153-3 à R. 153-5 du cmf) ; l’opération autorisée devant faire l’objet ensuite d’une déclaration administrative auprès de la Direction du Trésor lors de sa réalisation ; et
• une déclaration à des fins statistiques auprès de la Banque de France dans les vingt jours de la réalisation de l’opération concernée (investissements concernés visés à l’art. R. 152-3 du cmf).
Cette simplification ne constitue pas pour autant un allègement du contrôle des investissements étrangers en France, mais manifeste le souhait de concentrer le contrôle sur les domaines d’activité stratégiques.
Le décret n’a pas clarifié l’ensemble du régime applicable au contrôle des investissements étrangers, dans la mesure où la détermination des opérations relevant du champ de l’autorisation préalable reste sujette à une large appréciation, et demeure corrélativement une source d’insécurité et donc de risque pour les investisseurs étrangers, compte tenu des lourdes sanctions encourues en cas de manquement (notamment, jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, amende égale au double du montant de l’investissement irrégulier, et nullité de l’opération – art. L. 151-3, III du cmf et, art. 459 du c. douanes, sur renvoi de l’art. L. 165-1 du cmf).
Au niveau Européen, la Commission européenne a présenté le 13 septembre 2017 des propositions, ainsi qu’un projet de règlement européen visant à mettre en place une règlementation européenne sur le contrôle des investissements étrangers. L’objectif annoncé est de protéger les actifs européens contre des opérations susceptibles de porter atteinte aux intérêts essentiels de l’Union ou d’un Etat membre. A cet effet, la Commission propose un cadre européen fixant des principes de contrôle des investissements étrangers sans pour autant se substituer au régime de contrôle des Etats membres, un mécanisme de coopération entre les Etats membres et la Commission, et un mécanisme de filtrage par la Commission européenne pour les opérations pouvant avoir une incidence sur des projets ou des programmes présentant un intérêt pour l’Union.
Sans porter atteinte à la souveraineté des Etats membres en matière d’investissements étrangers, le patriotisme économique européen apportera sans nul doute une nouvelle dose de complexité aux investissements étrangers en Europe et en France.