Puis-je tout dire ?
Au cours d’un séminaire entre associés, il nous a été demandé d’exprimer nos désaccords et les difficultés que nous avons au sein du cabinet. Il me paraît irréaliste de dire tout ce que j’ai sur le cœur à certains de mes associés et surtout en public. Je me pose vraiment la question de la pertinence et du réalisme de la démarche. Qu’en pensez-vous ?
La période actuelle révèle, parfois exacerbe, certaines difficultés que nous vivons au sein de nos cabinets. Il peut s’agir de questions de compétences ou de relations interpersonnelles avec nos associés ou nos collaborateurs. Sous la pression, des phrases blessantes sont données et/ou reçues, contribuant ainsi à la dégradation de l’ambiance dans certaines de nos structures. Une des conséquences de cela est l’isolement ou le retrait. Et nous savons qu’il est néfaste dans l’exercice de nos fonctions et pour le développement du cabinet. Il est donc important de pouvoir clarifier ou régler nos différents avec nos associés. C’est sans doute dans cet esprit qu’il vous ait proposé de mettre à plat vos éventuels conflits ou désaccords. Sur ce point, je soutiens la démarche qui vous est proposée.
S’il est important d’aborder en équipe les sujets de discorde, il est essentiel d’y mettre la forme. Autrement dit, quelque soit le contenu (quoi) de vos débats, le processus (comment) est primordial. Il est, en effet, possible de se dire beaucoup de choses pourvu que nous prêtions une attention toute particulière à la manière dont nous libellons nos phrases. Vous pouvez faire appel à un coach pour mener à bien votre démarche.
Concrètement, nous devons en premier lieu nous poser la question de notre responsabilité. En quoi mon comportement a-t-il influé sur ma relation délétère avec mon associé(e) ? A chacun d’être au clair sur ce point. L’autre n’est jamais totalement responsable de la situation.
Nous avons trop souvent tendance à enfermer l’autre dans un comportement : « tu es trop agressive » ; « tu n’es jamais d’accord avec rien de toute façon » ; « tu n’es jamais content » ; « il/elle est nul(lle) » ; etc. Pensons à différencier les actes de la personne. C’est pourquoi nous ferons, à l’avenir, le maximum pour ne pas parler de la personne mais de son comportement et nous privilégirons des phrases telles que « je ressens ton comportement comme agressif ou je me sens agressé(e) par tes paroles ». Ainsi, nous prenons (1) la responsabilité de notre ressenti et (2) nous ne portons pas de jugement « enfermant » sur la personne, sans quoi, nous laisserions peu de chance à notre interlocuteur de se sortir de cette qualification péremptoire. Si nous recevons des phrases du type « tu es nul(le) en management » et que nous écoutons ce qu’il se passe en nous, nous réalisons, qu’en effet, nous nous sentons « nul(le) » avec peu d’espoir de progresser. Si au contraire, nous recevons : « J’ai observé que tu ne me félicites rarement sur un dossier sur lequel j’ai bien travaillé. Alors je me sens démotivé et j’ai besoin de recevoir tes encouragements. Je te demande à l’avenir de prendre le temps de me dire lorsque tu es content de mon travail » : c’est très différent. En réalité le contenu est le même mais le processus est très différent. Et le résultat aussi ! Il est beaucoup plus facile pour l’autre de s’améliorer puisque nous lui proposons une piste.
Lorsque nos équipes sont encouragées à pratiquer cette façon de communiquer entre elles, il arrive que leurs premières réactions soient : « ce n’est pas très naturel » ; « cela ne va pas être facile ». C’est entendu. C’est pourquoi il est auparavant indispensable de donner du sens à cette démarche. Une meilleure cohésion pour appuyer notre développement et notre efficacité, par exemple. Contenu, processus, sens. Les trois sont indissociables. Le sens vient alors comme un carburant qui m’encourage à changer ma façon de m’adresser à l’autre et par conséquent, à lui dire des choses que je n’aurai jamais pensé pouvoir lui dire et qui nous libèrent de situations conflictuelles et trop souvent dommageables. Au bout de quelques temps, après avoir pratiqué et en ayant constaté les bénéfices, cela vous viendra naturellement.
Conseil de lecture : « Les mots sont des fenêtres ou bien ils sont des murs » de Marshall Rosenberg.