Legaltech : un non-sens dans le monde de la relation de l'intuitu personae ?
Demandez à un avocat. Demandez à tous les avocats. Chacun d’entre eux vous confirmera que la relation avocat-client est humaine, proche, primordiale, forte, puissante, de confiance. Hors, le principe de fonctionnement d’une legaltech est basé sur la mise à disposition de technologies au service du droit et de nombreux services juridiques en ligne, ce sans passer nécessairement, par un avocat, un notaire ou autre professionnel du secteur. Aussi, on peut considérer que les legaltech n’apportent pas de relation intuiti personnae puisque le principe est d’automatiser, en ligne, les process (contrat type en ligne...). Alors, comment expliquer le boom des legaltech auprès des clients ?
Les justiciables se sentent mal-aimés des avocats ce qui a profité à l’explosion des legaltech
D’après le baromètre 2019, les legaltech françaises ont levé 52,1 millions d’euros soit un augmentation de près de 112 % par rapport à 2018 et 307 % par rapport à 2016. Ce qui a conduit à la création puis au succès des legaltech auprès de la population et des TPE notamment. En effet, Le nombre de legaltech a explosé ces cinq dernières années pour atteindre le nombre de 187 start-up. Dans notre article ‘Faut-il adhérer aux legaltech pour développer sa stratégie digitale ?’ paru dans La Lettre des Juristes d’Affaires, nous annoncions l’inévitable boom de ces start-up, une majeure partie avocats délaissant une part importante de justiciables car considérés peu rentable. Les justiciable, de personnes morales aux TPE et petites PME, considérant les prestations d’un avocats trop chères.
Avocat et relation intuitu personae du client, un synonyme ?
Cette relation est fondamentale pour le client, qui est très sensible à l’humain, au feeling – outre l’aspect professionnel de l’avocat - ‘À prestation perçue comme équivalente, prix équivalent, garantie équivalente, c’est la personne qui fera la différence. L’individu en tant que tel, exprime son professionnalisme par son discours, son image, et surtout sa posture Conseil. Un client n’achète pas un prix mais une valeur perçue. Et cette valeur est portée par la personne. Enfin, dans un contexte de relation à distance comme nous le vivons (Covid-19), il est capital d’instaurer une relation intuitu personae très forte. Les outils digitaux et le téléphone exigent une posture et une forme de discours beaucoup plus travaillés pour être aussi efficace en face à face et créer du lien. Ça se travaille !’ explique Sylvie Diat, dirigeante de Booster Academy d’Issy-les-Moulineaux.
Legaltech et relation intuitu personae du client, un oxymore ?
La legaltech Atrium, lancée en 2017, qui avait pour ambition de révolutionner la délivrance des prestations juridiques, a du fermer au début 2020. Cette legaltech qui a tout de même levé 75,5 millions de dollars, ne réunissait ‘que’ des avocats et des ingénieurs. Cela peut expliquer en partie sa chute. Par ailleurs, selon Jaap Bosman* les dirigeants d’Atrium ont mal analysé ce que sont les services juridiques. Les services juridiques se révèlent très difficiles à délivrer de manière automatisée. Finalement, ce que les clients cherchent, avant tout, c’est quelqu’un pour les écouter exposer leur problème. C’est la même chose pour les services médicaux. Il est difficile de se passer de tout contact humain dans la délivrance des prestations juridiques.
Alors mariage entre avocat, legaltech et relation intuitu personae du client ?
Les premières legaltech ont été créées par des non-avocats, ce qui leur a valu les foudres des institutions, et de nombre d’avocats. Mais, après avoir été déboutés par les juridictions, les institutions et les avocats ont pris les choses en main afin d’éviter de voir leur marché fondre, et ont créé ‘leur’ legaltech. Peut-être ont-ils trouvé la meilleure formule : allier intuitu personae avec solution digitale la plus efficace et la moins contraignante possible (via le produit de la legaltech, la blockchain, IA…) pour toujours mieux enlacer le client !
Certains disent ‘il faut utiliser la technologie au service du droit’, quand d’autres disent ‘il faut utiliser la technologie au service du client’. Et pourquoi ne pas utiliser la technologie au service du droit au profit du client ?
* Jaap Bosman est un consultant en stratégie primé et un investisseur. Il est l'un des fondateurs de TGO Consulting. Il a plus de 15 ans d'expérience dans le secteur juridique, années pendant lesquelles il a exercé au sein de deux cabinets d'avocats d'affaires renommés. En 2013, ses réalisations stratégiques internationales ont été reconnues par le Financial Times avec le tout premier Innovative Lawyers Award for International Strategy. Il a reçu le prix Thomson Reuters et Hubbard One Excellence in Legal Marketing.