Pierre Charreton : "les directions juridiques doivent se réinventer"
Extrait de l'interview parue dans la LJA 1244, 22 février 2016 (Abonnés)
C’est l’histoire d’une reconversion. Celle d’un homme qui, après 40 ans passés à la tête de directions juridiques d’entreprises de renom – de Thalès à France Télécom en passant par Areva –, a décidé de mettre son expérience au service de ses pairs. Avec l’ouverture de son cabinet éponyme, Pierre Charreton entend bien se positionner en coach des directeurs juridiques et faire bouger les lignes de la profession.
Comment est né Pierre Charreton Conseil ?
Pierre Charreton : Il s’agit d’une transition logique. Avec l’évolution rapide de l’économie et des technologies, les business models des entreprises sont aujourd’hui fortement challengés. Les directions juridiques doivent repenser leur organisation et se réinventer en mettant notamment en place de nouveaux outils. Or, nombre d’entre elles sont confrontées à une contradiction : d’une part la tentation de rester dans la continuité de process éprouvés et, d’autre part, la nécessité de s’adapter aux exigences nouvelles de leur entreprise. Après une carrière passée au sein de plusieurs groupes, j’ai souhaité capitaliser sur mon expérience et la mettre au service des directeurs juridiques pour les aider dans le management de leurs équipes et la conduite de ces chantiers de transformation. Cette nouvelle aventure s’inscrit dans la continuité de mon parcours professionnel. Je l’aborde sereinement, avec enthousiasme.
Selon vous, quels sont les écueils au sein des directions juridiques qui nécessitent les transformations que vous proposez ?
P.C. : Ils sont multiples. Plus l’entreprise est importante par sa taille, diverse dans ses activités et dispersée géographiquement, plus le risque d’affaiblissement de la fonction juridique est fort. Il importe alors, dans l’intérêt de l’entreprise et du bon usage des juristes, de travailler sur la cohérence de la fonction afin que celle-ci soit optimisée. Au plan organisationnel, tout d’abord, car le modèle pyramidal est désormais révolu. Il génère lenteur et non-qualité. Les organisations performantes sont aujourd’hui celles qui sont flexibles et réactives, et qui fonctionnent en réseau afin de mettre en relation, en temps réel, de multiples expertises utiles à la résolution des questions posées. Il est également nécessaire d’optimiser les prestations et les coûts d’une direction juridique. Faire systématiquement appel à des avocats externes n’est par exemple pas toujours fondé. On constate trop souvent des redondances entre les prestations juridiques internes et externes, une absence de synergies entre les expertises juridiques mises en œuvre, ou encore un manque de capitalisation sur les acquis. Tout ceci nuit à l’image d’une direction juridique et est générateur de coûts importants et parfaitement évitables.
Quelles sont les principales réticences auxquelles vous pourriez vous heurter dans votre démarche ?
P.C. : D’une manière générale, il est souvent difficile d’engager des changements et la fonction juridique n’échappe pas à cette tendance. Les équipes peuvent en effet voir dans un chantier de transformation une remise en cause du travail effectué jusque-là. Il convient également de veiller à ce que ces changements soient compris, voire acceptés par les autres directions de l’entreprise. Une direction juridique ne peut en effet innover sans rester en phase avec le reste de l’organisation du groupe. À cet égard, la culture de l’entreprise est déterminante. Certaines sont très conservatrices, comme les grands groupes industriels implantés depuis longtemps sur le marché, d’autres à l’inverse, comme les start-up ou les entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies, vivent dans l’innovation et la compétition et doivent se remettre en cause régulièrement. Dans tous les cas, je serais heureux d’apporter une contribution afin que le droit prenne toute sa place dans l’univers des entreprises.
Extrait de l'interview parue dans la LJA 1244, 22 février 2016 (Abonnés)