Réforme de la postulation et missions d'aide légale : les avocats sonnent l'alerte
« Il est à craindre que des barreaux se désertifient, entraînant la remise en cause de l’accès au droit et à la justice pour tous les citoyens sur tout le territoire », a déclaré le président du CNB, Pascal Eydoux.
« Ce que monsieur Macron appelle un élargissement du monopole de la postulation ne simplifiera pas les procédures et n’en réduira pas les coûts, et ne répond en rien à une commande européenne », a relevé, de son côté, Marc Bollet, président de la Conférence des bâtonniers. Fragilisation économique de certains cabinets (notamment ceux qui vont perdre leur clientèle institutionnelle), déstructuration des barreaux et des Carpas, atteinte au maillage territorial : « Les effets seront graves, a-t-il poursuivi, et les missions de service public assurées par les avocats seront de plus en plus difficiles à remplir dans certains barreaux. »
Permanences pénales
Plusieurs bâtonniers présents ont apporté leur témoignage. « Le barreau de Vienne compte une soixantaine d’avocats, qui travaillent beaucoup pour des clients institutionnels, or on sait d’expérience que ces clients ne vont conserver que les cabinets situés à proximité de la Cour d’appel, a expliqué le bâtonnier, Fabrice Posta. À terme, cela va entraîner des difficultés pour assurer les permanences pénales. » Si la réforme est adoptée, « je déposerai le bilan de la commission d’office du barreau, avant que mes confrères ne déposent eux-mêmes le bilan », a déclaré, pour sa part, Emmanuel Le Mière, bâtonnier du barreau de Coutances-Avranches (70 avocats). Depuis la fusion des barreaux de Dunkerque et Hazebrouck, « je gère la désertification dans l’ancien ressort du barreau d’Hazebrouck, a renchéri Valérie Robert, bâtonnier de Dunkerque. Nous avons désormais beaucoup de difficultés à assurer l’assistance des gardés à vue et à maintenir les points d’accès au droit et les permanences gratuites dans certaines parties de l’ancien ressort de ce barreau, lequel comptait 18 avocats avant la fusion et n’en compte plus que 11, et dans lequel aucun nouvel avocat ne s’est installé depuis. » Vice-président du CNB et ancien membre du conseil de l’Ordre de Paris, Jean-Bernard Thomas a précisé que, sur cette question, « Paris est parfaitement solidaire de l’ensemble des barreaux de France ».
Expérimentation
Après avoir rappelé le chemin parcouru – la première mouture du projet de loi prévoyait la suppression de la postulation –, les représentants de la profession ont déclaré vouloir continuer à plaider cette cause auprès des parlementaires. « Les députés ont suivi monsieur Macron parce que la configuration de cette loi est très politique, a pointé le président du CNB. Les sénateurs ont été plus attentifs, et ont proposé une expérimentation sur trois ans. Mais le ministre n’en veut pas. » Et d’ajouter : « À un moment donnée, la Chancellerie devra prendre parti, notamment à cause des missions d’aide légale qui ne seront plus remplies. »
M.L.