Réforme constitutionnelle et chantier législatif : les annonces du président de la République
À la suite des attentats perpétrés le 13 novembre dernier à Paris qui ont fait au moins 129 morts, le président de la République a annoncé, le 16 novembre dernier, dans un discours devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, un certain nombre de réformes visant à ce que la France puisse "se défendre dans l’urgence et dans la durée" .
Tout d'abord, un projet de loi prévoyant la prolongation pour trois mois de l'état d'urgence – décrété le 14 novembre dernier, en même temps que le rétablissement des contrôles aux frontières – , sera présenté au Parlement le 18 novembre. Ce texte adaptera le contenu de l'état d'urgence "à l’évolution des technologies et des menaces" .
Réforme constitutionnelle
Estimant cependant que ce régime, prévu par l'article 16 de la Constitution, n'était pas adaptée à la situation actuelle, pas plus que celui de l'article 36 encadrant l'état de siège, François Hollande a appelé à la création d'un "régime constitutionnel permettant de gérer l’état de crise" . À cette fin, il a décidé de reprendre l'une des propositions du Comité constitutionnel présidé par Édouard Balladur en 2007, consistant à faire figurer l'état d'urgence et l'état de siège dans l'article 36 de Constitution, et de renvoyer à une loi organique "le soin de préciser les conditions d’utilisation de ces régimes" . "Cette orientation doit être reprise pour disposer d’un outil approprié pour fonder la prise de mesures exceptionnelles pour une certaine durée sans recourir à l’état d’urgence et sans compromettre l’exercice des libertés publiques" , a précisé le président de la République.
Chantier législatif
Le chef de l'État a ensuite confié au Premier ministre le soin d'engager "sans délai" avec la garde des Sceaux et le ministre de l'Intérieur "un important chantier législatif" . Ce dernier permettra de "déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né Français, dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité" ; d’interdire à un binational de revenir en France, s’il représente un risque terroriste, sauf à ce qu’il se soumette "à un dispositif de contrôle draconien" comme cela existe en Grande-Bretagne ; et "d’expulser plus rapidement les étrangers qui représentent une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public et la sécurité de la Nation" , mais ce, "dans le respect des engagements internationaux de la France" . "Je sais que d’autres propositions ont été formulées pour accroître la surveillance de certains individus, fichés notamment, a ajouté le chef de l'État sans plus de précision. Le gouvernement, dans un esprit d’unité nationale, va saisir pour avis le Conseil d’État pour vérifier la conformité de ces propositions à nos règles fondamentales et à nos engagements internationaux. Cet avis sera rendu public et j’en tirerai toutes les conséquences" .
Moyens judiciaires
François Hollande a par ailleurs annoncé que, sur le plan judiciaire, des mesures seraient prises pour permettre aux services d’enquête et aux magistrats antiterroristes de pouvoir recourir "à tout l’éventail des techniques de renseignement offertes par la loi sur le renseignement" . "La procédure pénale doit également prendre en compte, de la manière la plus étroite possible, la spécificité de la menace terroriste" , a poursuivi le chef de l'État, avant d'ajouter : "les magistrats doivent avoir plus largement accès aux moyens d’enquêtes les plus sophistiqués, pour lutter notamment contre les trafics d’armes (...). Les peines seront significativement alourdies" . Enfin, "la question de la légitime défense des policiers et des conditions dans lesquelles ils peuvent faire usage de leurs armes devra être traitée, toujours dans le cadre de l’État de droit" .
Pacte de sécurité
Pour finir, le président de la République a annoncé des recrutements. 5 000 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes seront ainsi créés d’ici 2 ans "afin de porter le total des créations d'emploi de sécurité à 10 000 sur le quinquennat" . Le ministère de la Justice disposera, pour sa part, de 2 500 postes supplémentaires et l'administration des douanes de 1000 créations d'emplois. La réduction des effectifs du ministère de la Défense sera interrompue et la formation d'une garde nationale reposant sur les réservistes repensée. Ces décisions budgétaires seront prises dans le cadre de la loi de finances pour 2016. "Elles se traduiront nécessairement, et je l’assume devant vous, par un surcroît de dépenses mais dans ces circonstances, je considère que le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité" , a déclaré François Hollande.
L.G.