Rapport Combrexelle : les entreprises appelées à jouer le jeu
Le 9 septembre 2015, après cinq mois d'attente, le président de la section sociale au Conseil d'État, Jean-Denis Combrexelle, a remis au Premier ministre Manuel Valls son rapport sur "La négociation collective, le travail et l'emploi" .
Élaborées avec un groupe de travail composé d'experts, de praticiens, d'économistes et de juristes français et étrangers (dont les avocats Paul-Henri Antonmattei, professeur de droit à l’université Montpellier 1 et associé chez Barthélémy Avocats, et Henri-José Legrand, associé chez LBBA), les 44 propositions de ce rapport visent à faire de la négociation collective un "véritable levier de transformation au service de l'emploi et de la compétitivité des entreprises" .
Le jeu des acteurs en question
Tout en constatant que, contrairement aux idées reçues, de nombreuses dispositions du Code du travail renvoyaient déjà à la négociation collective, le rapport dresse un bilan mitigé de son efficacité. En cause : la complexité et l'instabilité du droit du travail, mais aussi la faible qualité du "jeu des acteurs" : les syndicats, confrontés à des crises de représentativité et de confiance vis-à-vis des dirigeants, rechignant à utiliser la négociation collective, et les entreprises l'assimilant à "un centre de coûts". Pour y remédier, le rapport préconise donc de dynamiser d'abord les comportements en élaborant notamment une pédagogie de la négociation collective et en sensibilisant les DRH à ses atouts. "L'environnement des entreprises, comme les RH, les conseils en stratégie ou les experts-comptables, doivent être convaincus de l'intérêt de la négociation collective, a commenté Jean-Denis Combrexelle lors de la conférence de presse qui a suivi la remise de son rapport. Négocier est un mode de management qui permet à l'entreprise d'être plus performante" .
Code du travail, accords de branche ou d'entreprise : à chacun sa place !
Le rapport propose ensuite de réfléchir à une nouvelle architecture des différents modes de régulation. Au Code du travail les grands principes, aux accords de branches les principes sectoriels sur lesquels on ne peut déroger, et aux accords d'entreprise les règles concrètes. Le rapport Combrexelle suggère ainsi d'élargir dès 2016 le champ de la négociation sociale dans les domaines des conditions de travail, du temps de travail, de l'emploi et des salaires (ACTES) en donnant la priorité à l'accord d'entreprise. Le principe de l'accord majoritaire d'entreprise serait alors généralisé à compter de 2017, et les accords collectifs préservant l'emploi prévaudraient sur le contrat de travail.
Quant aux branches, dont le nombre serait réduit, elles préciseraient ce qui relève de l'ordre public conventionnel, définiraient les stipulations supplétives en cas d'absence d'accord d'entreprise, proposeraient des prestations de services tels que des accords-types pour les TPE, accompagneraient la négociation dans les PME, et organiseraient la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Réécrire le Code
Le rapport propose enfin de réécrire le Code du travail dans les quatre ans, afin de distinguer les dispositions relevant de l'ordre public de celles encadrées par la négociation collective, et des règles supplétives en cas d'absence de négociation. Il préconise en outre d'inscrire dans le préambule de la Constitution les grands principes de la négociation collective.
Lors de la remise du rapport, le Premier ministre a annoncé qu'une réforme visant à assouplir le droit du travail verrait le jour avant l'été 2016. Réforme pour laquelle le Medef a estimé, pour sa part, que le rapport Combrexelle, constituait "un bon point de départ" .
L.G.
Consulter le rapport "La négociation collective, le travail et l’emploi" de Jean-Denis Combrexelle