Perquisitions en cabinet d'avocats : la saisie de données informatiques ne viole pas le secret professionnel
L'étendue large d'un mandat de perquisition dans un cabinet d'avocats concernant la saisie de données informatiques ne viole pas le secret professionnel s'il existe des garanties procédurales suffisantes. C'est le sens de l'arrêt rendu le 3 septembre dernier par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans le cadre de l'affaire Sérvulo & Associados - Sociedade de Advogados, RL et autres c. Portugal.
En 2009, le cabinet d'avocats portugais Sérvulo & Associados avait été perquisitionné dans le cadre d’une enquête du Département central d’enquête et action pénale (DCIAP) pour corruption, prise illégale d’intérêts et blanchiment d’argent lors de l’achat par le gouvernement portugais de deux sous-marins à un consortium allemand.
Les deux mandats délivrés par le juge d'instruction autorisant cette perquisition prévoyait notamment que soit levé le secret de la correspondance et que l’accès aux fichiers informatiques soit fait sur la base des 35 mots clés indiqués par le DCIAP.
Les avocats formèrent alors opposition à la perquisition devant le président de la cour d’appel de Lisbonne, invoquant la violation du secret professionnel et soutenant que l’utilisation de termes couramment utilisés dans le cadre de négociations, comme « contreparties » et « financement » pour procéder à la recherche informatique pouvait conduire à une perquisition et une saisie disproportionnées. Les documents informatiques et messages électroniques saisis furent donc mis sous scellés, sans que le juge d’instruction n’ait pris connaissance de leur contenu, et transmis au président de la cour d’appel de Lisbonne. Les scellés furent par la suite ouverts par le vice-président de la cour d’appel de Lisbonne pour que le contenu en soit examiné. Par une décision du 29 octobre 2009, celui-ci rejeta la réclamation des avocats, estimant notamment que les 35 mots-clés choisis lui paraissaient être en rapport avec l’enquête et, dès lors, proportionnés au but recherché, que les éléments saisis semblaient revêtir un intérêt direct ou indirect pour l’enquête pénale, et qu'il n’y avait pas d’atteinte flagrante au secret professionnel des avocats.Les documents furent donc transmis au juge d'instruction qui les examina et porta au dossier ceux qui avaient un rapport avec l'enquête.
Concernant ce moyen, la CEDH a estimé que la réclamation devant le président de la cour d’appel de Lisbonne avait constitué un recours adéquat et effectif complémentaire au contrôle exercé par le juge d’instruction pour compenser l’étendue du mandat de perquisition et, ainsi, prévenir la saisie de données couvertes par le secret professionnel.
L.G.
Consulter la décision CEDH, 3 sept. 2015, aff. n° 27013/10, Sérvulo & Associados - Sociedade de Advogados, RL et autres c. Portugal.