Bureau secondaire en entreprise : soutien massif des bâtonniers au recours devant le Conseil d’État
La Conférence des bâtonniers a déposé le 2 septembre dernier un recours devant le Conseil d'État contre la modification du règlement national de la profession d'avocat visant à autoriser la création des bureaux secondaires dans les locaux des entreprises. La récente publication de cette décision à caractère normatif au Journal Officiel est depuis venue renforcer la volonté de cette institution (qui rassemble tous les bâtonniers de France hormis celui du barreau de Paris) d'obtenir gain de cause devant la haute juridiction administrative.
Adoptée au début de l'été par le Conseil national des barreaux (CNB) et publiée au Journal Officiel le 1er octobre dernier, la décision à caractère normatif n°2016-001 portant modification de l’article 15 du Règlement intérieur national (RIN) de la profession d’avocat prévoit notamment que les avocats peuvent désormais créer des bureaux secondaires « dans les locaux d’une entreprise », sous réserve que ces derniers répondent « aux conditions générales du domicile professionnel et correspond[ent] à un exercice effectif et aux règles de la profession, notamment en ce qui concerne le secret professionnel », et que l'entreprise n'exerce pas « une activité s’inscrivant dans le cadre d’une interprofessionnalité avec un avocat ». Le nouvel article 15.2.3 du RIN détaille les conditions d’autorisation et les obligations de déclaration d’un bureau secondaire en France ou à l'étranger (au sein ou en dehors de l’Union européenne). Et l'article 15.2.4. précise que « l’avocat autorisé à ouvrir un bureau secondaire où il exerce effectivement peut faire mention de celui-ci sur son papier à lettre et tous les supports de communication autorisés ».
Contestation et recours. Adoptée à une très courte majorité (lire notre article : Les avocats bientôt autorisés à ouvrir des bureaux secondaires au sein des entreprises), cette réforme ne fait pas l’unanimité au sein de la profession d’avocat (lire notre article : Bureaux secondaires en entreprise : la Conférence des bâtonniers veut saisir le Conseil d’État). Le 2 septembre dernier, la Conférence des bâtonniers a déposé devant le Conseil d’État un recours contre la modification de l'article 15 du RIN. « Le recours porte sur la légalité des conditions de déroulement du vote lors de l'assemblée générale du Conseil national des barreaux car le président Eydoux a voté après la clôture du scrutin, explique Yves Mahiu, président de la Conférence des bâtonniers, et nous contestons également la légalité interne de la modification de l'article 15 dont les nouvelles dispositions ne permettent pas la protection du secret professionnel de l'avocat et la prévention du conflit d'intérêts. Si le bureau secondaire est situé dans les locaux d'une entreprise, le bâtonnier ne sera pas en mesure d'assurer un véritable contrôle quant à la protection du secret professionnel et la prévention des conflits d'intérêts. »
Faute politique et large soutien. « Les bâtonniers, qui avaient répondu non à cette modification dans le cadre de la concertation préalable, ont été très choqués de constater que leurs avis n'ont pas été pris en compte, poursuit Yves Mahiu. Une soixantaine de barreaux ont décidé de se joindre volontairement au recours, et une soixantaine d'autres le soutiennent. Nous considérons que le Conseil national des barreaux a commis une faute politique en ne prenant pas en compte l'avis des bâtonniers. Il a ouvert une véritable crise politique qu'il faut résoudre aujourd'hui. » Maintenant que la décision modificative a été publiée au JO, la Conférence des bâtonniers entend étoffer le dossier déposé début septembre : « Pour l'instant, c'est un simple recours en dix lignes, pour interrompre le processus. Notre avocat va bientôt déposer un mémoire ampliatif très complet. » Sans demander de décision en référé suspensif : « Ce n'est pas nécessaire car nous savons que ce nouveau dispositif n'emportera ni l'adhésion des confrères ni celle des entreprises, il n'aura pas beaucoup de succès... », relève-t-il. Sans non plus rompre le dialogue avec le Conseil national des barreaux : « J'ai fait des propositions de sortie à l'amiable, sans réponse pour l'instant. De notre côté, le dialogue n'est pas rompu, non. »
Lire : la décision à caractère normatif n°2016-001 publiée au JO n°0229 du 1 octobre 2016 (sur Legifrance)