Le temps des secrets
par Miren Lartigue, Rédactrice en chef LJA Le Magazine
Indépendance, déontologie, rôle de la fonction, poids économique du secteur... L'Association française des juristes d'entreprise (AFJE) et le Cercle Montesquieu ont produit ces dernières années tout un corpus de textes et de références sur l'exercice de leur profession en France : un ouvrage de 150 pages sur la Confidentialité des juristes d’entreprise en 2011, le livre blanc Company Lawyers: Independant by Design en 2014 et, la même année, le European Code of Ethics for Company Lawyers, une refonte du code de déontologie de l'AFJE, réalisée en collaboration avec la European Corporate Lawyers Association et adoptée depuis par le Cercle Montesquieu et l'Association nationale des juristes de banque. Enfin, en avril dernier est parue la première étude visant à évaluer le poids économique de l'industrie du droit en France. Commandée par l'AFJE et le Cercle Montesquieu, celle-ci accorde une large place au rôle des juristes d'entreprise dans cet "écosystème" et conclut, sans surprise, à la nécessité d'accorder un privilège de confidentialité à leurs avis et aux correspondances qui y sont liés.
L'ensemble de cette réflexion et de ce travail de fond sous forme d'argumentaire vise à expliquer les enjeux, préciser les nouveaux contours de l'exercice de cette profession, et convaincre tout un chacun de la nécessité de lui accorder un privilège de confidentialité. Ce, alors que l'époque est toute entière dévolue à la transparence. Il paraît difficile pour la confidentialité de gagner du terrain dans l'entreprise quand celle-ci, sommée de se faire auxiliaire des pouvoirs publics, est devenue le lieu où chacun est tenu de déclarer, contrôler, prévenir, signaler, lancer l'alerte...
Certes, le temps des secrets n'est pas totalement révolu. Mais l'octroi d'un tel privilège est intimement lié à l'accomplissement d'une mission d'intérêt général : le secret professionnel de l'avocat, comme le secret médical ou le secret des sources du journaliste, sont liés au rôle social de chacun de ces acteurs.
Peut-être manque-t-il à la liste de ces travaux une réflexion qui s'attacherait à faire reconnaître le rôle social des juristes d'entreprise
Aussi manque-t-il peut-être à la liste des travaux menés par les juristes d'entreprise une réflexion qui s'attacherait à faire reconnaître l'étendue croissante de leurs missions d'intérêt général dans un contexte de développement des fonctions de conformité et de RSE. Puisque l'heure est à la responsabilité sociale des entreprises, le temps est sans doute venu d'accorder toutes les assurances et garanties à leurs juristes, à qui on entend confier une fonction pivot entre les intérêts particuliers de l'entreprise et ceux de la société.