Eurosic/Gecina et la bataille pour La Foncière de Paris
Cet article a été publié dans LJA Le Mag n°45 novembre/décembre 2016
Au début de l’année 2016, la société d’investissement immobilier cotée (SIIC) Eurosic cherche à renforcer sa position sur le marché. Elle gère un patrimoine évalué à 3 milliards d’euros, composé de bureaux à Paris et dans les grandes métropoles régionales. Elle choisit de se rapprocher d’une autre SIIC, La Foncière de Paris (2,6 milliards d’euros de parc locatif), dont les bureaux parisiens et la diversification dans les hôtels l’intéressent. La Foncière de Paris se déclare intéressée, mais décide que l’opération mérite d’être ouverte pour que d’autres offreurs éventuels puissent se manifester.
Le 4 mars, l’opération est conclue sous forme de contrats de cession d’actions et d’engagements d’apports. L’offre est ouverte le 19 mai à 136 euros. Et là, coup de théâtre : Gecina (11,7 milliards de valeur de patrimoine) se manifeste. Le groupe, qui dispose de beaucoup de cash après la cession de son pôle santé pour 1,35 milliard d’euros, propose 150 euros par action. Voilà qui ne se refuse pas. « En première analyse, en effet, commente Nicolas Favre, associé chez De Pardieu Brocas Maffei, conseil d’Eurosic. Mais les assureurs actionnaires de la Foncière préféraient des titres plutôt que du cash. C’est une question d’analyse de rendement et de stratégie d’investissement. Et c’est ce qu’il a été difficile de faire comprendre au public. » Eurosic, estimant qu’elle propose une prime suffisante, choisit de ne pas relever son offre.
Le 13 juillet, l’Autorité des marchés financiers (AMF) déclare l’offre conforme. Le 22 août suivant, Eurosic demande à l’AMF de retirer son avis de conformité : l’opération serait entachée de fraude au motif que les engagements des actionnaires d’apporter leurs titres à Eurosic seraient irrévocables, ce qui fausserait le jeu des enchères. Autrement dit, les actionnaires auraient rejeté l’offre de Gecina parce qu’ils étaient engagés irrévocablement et non pas parce qu’elle les intéressait moins. L’AMF rejette la demande d’Eurosic. Gecina fait alors un recours contre la décision de l’AMF devant la cour d’appel de Paris et sollicite, dans l’attente de la décision de la cour, le report de la clôture de l’offre. Le 6 septembre, l’AMF refuse. Parallèlement, l’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam) attaque l’opération, qu’elle analyse comme une action de concert.
"Accéder à la demande de Gecina aurait eu pour effet de faire tomber le délai de dix jours pour contester une conformité puisque le point de départ du délai n’aurait plus été fixe, explique l’avocat, et le délai de cinq mois imposé à la cour d’appel par la loi du 30 décembre 2014 serait également tombé pour la même raison. Or, l’AMF et le législateur ne veulent plus d’offres publiques qui durent des mois en raison des recours. » Résultat : on saura aux alentours de janvier la décision de la cour d’appel de Paris concernant les accusations d’action de concert et l’irrévocabilité alléguée des engagements des actionnaires. Pour l’heure, l’opération est clôturée. Eurosic détient 76,70 % du capital de La Foncière de Paris.