Deux poids, deux mesures
Il a été surnommé le “Davos du droit et des affaires”. Le Global Law Summit, organisé fin février dernier à Londres pour célébrer les 800 ans de la Magna Carta, a réuni plus de 2 000 représentants du monde juridique et économique autour d’un large programme de conférences et d’ateliers. Au coeur des débats : le rôle fondamental de l’État de droit pour le business et le bienêtre de nos sociétés. Et si la réflexion incluait la défense des droits de l’Homme et du citoyen, elle était plus largement axée sur la place du juridique dans la vie économique et sur les relations entre le marché et les juridictions.
Parmi les nombreux invités de marque de ce sommet international figuraient les représentants des grandes institutions politiques et économiques (OCDE, Banque mondiale, Nations Unies, Union européenne…), nombre de P-DG de multinationales, ainsi que les general counsels de plusieurs grands groupes (Vodafone, BG Group, Kingfisher, BP, Deutsche Bank, Thomson Reuters, Weir Group…). Car, quand les décideurs du monde des affaires se réunissent dans la City pour parler business et enjeux internationaux, les general counsels – ces avocats qui exercent en entreprise – y ont toute leur place.
Hasard du calendrier, au même moment en France, les dispositions prévoyant d’habiliter le gouvernement à créer un statut d’avocat en entreprise par voie d’ordonnance étaient supprimées du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Et les juristes d’entreprise français entamaient un nouveau round de leur longue lutte pour obtenir la confidentialité de leur avis, répétant inlassablement que cette évolution est nécessaire pour préserver la compétitivité des entreprises tricolores, et faire face à la concurrence de leurs homologues étrangers sur les postes – de plus en plus nombreux – de dimension internationale. Un combat qu’ils mènent seuls, ne pouvant compter ni sur l’appui des chefs d’entreprise, ni sur celui du barreau, dont une majorité des membres s’oppose à toute évolution de leur statut.
Si proches et si loin à la fois… Alors que leurs homologues étrangers siégeaient outre-Manche dans le cénacle des décideurs, les juristes d’entreprise français en étaient réduits à demander des lettres de soutien à leurs avocats conseils pour essayer de faire pencher la balance en leur faveur. Certes, comparaison n’est pas raison. Ce n’est pas parce qu’un modèle est performant qu’un autre ne peut pas l’être tout autant. Mais vu de l’Hexagone, ce n’est pas un bras de Manche mais un océan qui semble séparer les deux conceptions de la place du droit et des juristes dans l’entreprise.