Denis Raynal : « La profession d’avocat passe son temps à s’auto-bloquer alors qu’elle a toujours su anticiper et s’adapter »
Le 24e congrès de l’association des Avocats conseils d’entreprises (ACE) se tient actuellement à Ajaccio. Le syndicat, qui souhaite se positionner comme le nouveau think tank de la profession, a placé son programme 2016 sous le slogan « Moteur ! ». Entretien avec Denis Raynal, président de l’ACE depuis octobre 2015.
Pourquoi avoir choisi ce thème, « Moteur ! », pour le congrès 2016 de l’ACE ?
Denis Raynal : Depuis le premier jour de mon mandat, j’ai un objectif qui me porte, un moteur : faire prendre conscience à la profession d’avocat conseil d’entreprises qu’elle doit se mobiliser pour maîtriser et bénéficier de l’avenir, et non pas le subir. Le temps de l’organisation est arrivé. Toutes les expertises qui entourent et accompagnent l’entreprise doivent parvenir à créer et développer des ponts entre elles, dans le cadre d’une interprofessionnalité ou simplement par des accointances naturelles comme les avocats en ont avec les juristes d’entreprise. Il est temps d’associer au mot « droit » le mot « compétitivité ». Afin d’illustrer cette démarche, l’ACE se convertit en un think tank pour que les actions décidées et menées le soient dans l’intérêt des entreprises et des avocats. Nos 25 commissions techniques sont sur le pied de guerre pour produire des idées, les relier entre elles, toujours dans l’esprit de partage et de partenariat qui caractérise l’ACE. D’où toute la puissance et la signification du thème de ce congrès, « Moteur ! ».
Quel a été, pour vous, le principal temps fort de votre première année de mandat ?
D. R.: Cette année a été fortement marquée par notre volonté d’être force de propositions aux côtés de nos gouvernants. C’est d’ailleurs la feuille de route de notre programme « État : outil de croissance ». Le recul des avocats et leur connaissance du tissu économique du pays sont un atout qu’il faut illustrer par des propositions plus que des incantations. Si toutes nos idées ne sont pas passées, nos réflexions ont en tout cas nourri le débat dans le cadre, par exemple, de la loi Travail, Justice du 21esiècle, de la loi pour la croissance, pour la simplification administrative… Je retiendrai aussi notre proposition, faite en partenariat avec l’Association française des juristes d’entreprise et le Cercle Montesquieu, d’un juriste qualifié admis au barreau, le JAB, en dépit de la position figée de la profession sur la question de l’avocat salarié en entreprise. Bercy et la Chancellerie ont accueilli très favorablement cette proposition qui, selon eux, est tout à fait dans l’air du temps et répond aux besoins des entreprises.
Pouvez-vous en dire plus sur le programme « État : outil de croissance » ?
D.R. : L’idée est de considérer que l’avocat a une activité dont la santé est liée à la dynamique de l’économie en général. La croissance et le progrès permettent de tirer vers le haut nombre de professions, en particulier les avocats. Nous avons donc demandé à nos 25 commissions techniques, dotées d’excellents praticiens dans chacun de leurs domaines, de dégager des idées phares au sein de leurs commissions respectives que nous relayons ensuite auprès des pouvoirs publics.
Quels vont être, selon vous, les prochains défis que la profession d’avocat va devoir relever ?
D.R. : L’avocat de demain doit tout d’abord se recentrer sur sa profession elle-même, c’est à dire la faire évoluer et la développer en faisant fi des freins, aussi importants soient-ils. Dans ce cadre, l’ACE a créé le Laboratoire de l’univers de l’avocat (LUNA), dont le but est de permettre de mener une réflexion commune et protéiforme sur les différents aspects de l’évolution de la profession. Les notions de legal tech et de blockchain, par exemple, sont centrales aujourd’hui et sèment la terreur dans les rangs. Au sein de l’ACE, nous sommes généralement favorables à tout ce qui est facteur de progrès et de développement pour notre profession, alors pourquoi ne pas tirer parti des évolutions technologiques ? La profession d’avocat passe son temps à s’auto-bloquer alors qu’elle a toujours su anticiper et s’adapter. Elle devra continuer à le faire afin de construire un environnement pérenne et en forte croissance. Nous entrons dans l’ère du droit, et c’est une opportunité incroyable ! Mais, selon nous, cette évolution ne pourra se faire qu’en se rapprochant de partenaires complémentaires dont, par exemple, les juristes d’entreprise qualifiés avec lesquels les avocats conseils d’entreprises forment une même famille pour la compétitivité par le droit dans l’entreprise.