Alain Sauty de Chalon : "Le projet de l’Hermione est porté par une valeur fondatrice de notre cabinet : l’audace des pionniers"
Le 18 avril dernier, la réplique de l’Hermione, la frégate qui emmena La Fayette en Amérique en 1780, a largué les amarres pour rallier les États-Unis. Un projet fou emmené depuis 20 ans par l’association Hermione-La Fayette et rejoint en 2013 par Baker & McKenzie dans le cadre de ses missions pro bono. Retour sur cette aventure avec Alain Sauty de Chalon, associé en fusions-acquisitions.
En quoi consiste le projet de l’Hermione ?
Alain Sauty de Chalon : C’est un projet passionnant qui vise à reconstruire à l’identique l’Hermione, la frégate qui a permis à La Fayette de rejoindre l’Amérique en 1780, puis à mettre en valeur ce navire d’exception, à quai comme en mer. Il est mené par l’association Hermione-La Fayette, créée en 1992 par des membres du Centre international de la mer et des élus de Rochefort, et qui s’est ouverte en 1997 aux sympathisants. Ces derniers sont aujourd’hui au nombre de 8 000. Le travail de cette association, dont le président fondateur est Érik Orsenna et le président est Benedict Donnelly, a consisté depuis 20 ans à reconstituer les plans, chercher des financements et lancer des appels d’offres pour choisir des prestataires les plus fidèles possible aux techniques de construction de l’époque. Par exemple, il a fallu trouver un constructeur (l’entreprise Asselin a finalement été retenue) et des fabricants de voile (Incidences à La Rochelle, Voilerie Burgaud à Noirmoutier et l’Atelier Voilerie d’Anne Renault à Fouras ont été choisis). L’association a même dû recréer des filières de métiers qui n’existent plus aujourd’hui, comme celui consistant à fabriquer des cordages en chanvre, par exemple. Tous les partenaires ont grandi avec l’association.
Comment l’association est-elle financée ?
A.S.C.: Le navire a reçu 4,2 millions de visiteurs. Les visites, ainsi que les membres de l’association, ont financé près de 60 % du projet, les collectivités publiques (Rochefort, le département de Charente-Maritime et la région Poitou-Charentes) près de 40 %, et les sponsors et mécènes privés le complément. Les entreprises se sont montrées moins intéressées que prévu car le projet portait sur du très long terme et offrait peu de visibilité immédiate. Il était évidemment exclu de mettre un logo sur les voiles d’un navire du XVIIIe siècle !
Le 10 mars dernier, l’association Hermione La Fayette et Baker & McKenzie ont officialisé deux ans de collaboration en signant une convention de partenariat. Pourquoi Baker & McKenzie a-t-il décidé de s’associer au projet ?
A.S.C.: Il y a deux ans, le navire était terminé et sur le point d’être mis à l’eau. Les membres de l’association cherchaient le meilleur cadre juridique pour pérenniser le travail de l’association, notamment afin que le bateau puisse continuer à naviguer après la traversée de l’Atlantique. Emmanuel Guillaume, associé en droit public, connaissait Benedict Donnelly de longue date, pour avoir notamment travaillé avec lui sur le défi français pour l’America’s Cup dans les années 1980. Quand il nous a parlé du projet, nous avons estimé que, sur le plan juridique, nous pouvions l’aider, notamment sur des problématiques à cheval entre droit privé et droit public. Par ailleurs, nous avons aussitôt ressenti une véritable affinité entre ce projet et notre cabinet, né à Chicago en 1949 mais dont les fondateurs ont traversé l’Atlantique dès 1963 pour créer le bureau de Paris. L’Hermione est le navire qui a permis à La Fayette de soutenir les Américains dans leur guerre d’indépendance, un véritable symbole de l’amitié franco-américaine. En outre, ce projet est porté par une valeur fondatrice de notre cabinet : l’audace des pionniers (voir encadré), qui ont été les premiers à créer un réseau international du droit et en ont fait aujourd’hui la première firme d’avocats sur le plan international.
Quels sont les points sur lesquels le cabinet intervient ?
A.S.C.: La question de la pérennité est essentielle pour l’association, propriétaire du bateau. C’est une structure bénévole très forte, qui a joué un rôle d’impulsion déterminant dans la phase de construction. Or le projet a abordé une seconde phase, celle de la vie de la frégate devenue réalité. Les enjeux et les risques ne sont plus les mêmes puisque le navire va mener une double existence, à la fois sédentaire, à quai, et maritime, en naviguant. Les conditions sont très différentes, dans les faits et aussi sur le plan juridique. Ainsi, la traversée de l’Atlantique sur un tel navire n’est pas sans risques – les marins montent à 45 mètres de hauteur sur les mâts ! L’association a finalement obtenu le statut d’armateur et engagé un capitaine, ainsi que 18 professionnels qui ont formé les 60 bénévoles qui feront la traversée. La réflexion a donc pour objet de définir le cadre juridique le plus approprié pour organiser le rôle respectif et les relations entre les acteurs du projet (association, collectivités publiques, personnes privées) pour que l’Hermione puisse accomplir de manière viable sa vocation singulière. Thierry Vialaneix intervient sur les questions fiscales, Emmanuel Guillaume et Pierre-Édouard Pivois en droit public, et moi-même sur les aspects structure.
Propos recueillis par L.G.
Cette interview a été publiée dans la LJA 1204 du 13 avril 2014