Réforme de la profession : les avocats ne savent toujours pas ce qui les attend
Réuni en assemblée générale extraordinaire le 14 novembre pour examiner les projets de réforme des professions réglementées, le Conseil national des barreaux ne disposait à cette date d’aucune information précise sur les mesures contenues dans le texte sur le point d’être transmis au Conseil d’État par le gouvernement.
« Comment le texte va sortir de la moulinette du Conseil d’État ? À l’heure où je vous parle, nous n’en savons rien », a reconnu le président du CNB, Jean-Marie Burguburu, « mais cette AGE est nécessaire pour que les représentants de la profession aient une feuille de route pour la suite des négociations », avant le dépôt du texte au Parlement ou par le biais d’amendements par la suite.
À l’ordre du jour, deux sujets qui ont déjà fait l’objet d’un vote de l’institution le 3 octobre dernier : les projets relatifs à la postulation et au statut d’avocat en entreprise. Les élus, qui ne disposaient même pas du texte résultant des navettes interministérielles avant transmission au Conseil d’État, ont choisi de discuter du projet de réforme de la postulation tel qu’envisagé par le “projet Taubira” : maintien du tarif et territorialité de la postulation au niveau de la cour d’appel.
Les débats qui ont suivi ont reflété la très grande division de la profession sur ce sujet, entre les partisans de la suppression totale de la postulation – qui n’existe pas dans de nombreux barreaux, et qui a été supprimée ces dernières années en Belgique et en Allemagne sans impact significatif sur ces barreaux – , les défenseurs de son maintien en l’état, et les plus pragmatiques qui conseillent d’accepter la proposition de réforme "à mi-chemin" de la Chancellerie et de négocier une période transitoire pour donner le temps aux cabinets dont la survie économique dépend du maintien de la postulation de se réorganiser. « Il faut mettre en avant nos compétences plutôt que défendre des barrières artificielles qui tomberont tôt ou tard », a déclaré, à titre personnel, Jean-Marie Burguburu. « Bien que favorable à la suppression de la postulation, le barreau de Paris s’en remettra à la position qui sera arrêtée par le CNB », a pour sa part assuré le vice-bâtonnier de Paris, Laurent Martinet.
Tous sont toutefois tombés d’accord sur le fait d’attendre les résultats de l’étude d’impact commandée par la profession avant de prendre une position officielle et qu’il était plus urgent, pour l’heure, de se battre contre la proposition 45 du projet de loi de simplification du droit qui envisage d’accorder le droit aux experts-comptables de donner des consultations à titre accessoire pour toutes les entreprises y compris celles pour lesquelles ils n’assurent pas de missions d’ordre comptable.
Quant à l’attribution du legal privilege aux juristes d’entreprise, qui tend dernièrement à se substituer au projet de création d’un statut d’avocat en entreprise, « cela revient à créer une nouvelle profession du droit, et le barreau de Paris se battra contre ce projet, de même que contre les capitaux extérieurs », a déclaré Laurent Martinet. « Le privilège de confidentialité est l’apanage des avocats, a rappelé Pierre Lafont, membre du bureau du CNB, c’est un avantage concurrentiel et 15 000 juristes d’entreprise pourraient l’obtenir ».
Quelques uns des messages que l’institution souhaite transmettre au Premier ministre le 21 novembre, à l’issue de la semaine de mobilisation de la profession contre le projet de loi sur la croissance et l’activité, qui devrait être présenté en conseil des ministres le 10 décembre et débattu à l’Assemblée nationale à partir du 19 janvier.
M. L.