Vers une amélioration des pratiques de la publicité en ligne
Par une décision en date du 16 juin 2022, l’Autorité de la concurrence a accepté les engagements proposés par Meta pour mettre fin aux préoccupations de concurrence exprimées, à la suite de la saisine de Criteo en septembre 2019. Comme indiqué par l’Autorité elle-même, il s’agit de la première fois qu’une autorité de concurrence accepte des engagements de la part de Meta dans le cadre d’une procédure antitrust.
Meta, en tant que réseau social, tire la majeure partie de ses revenus de la vente de son inventaire publicitaire propriétaire (Facebook, Instagram, Messenger) aux annonceurs et, de manière résiduelle, de la vente d’inventaires tiers. Depuis son entrée sur le marché, le groupe a développé des relations avec de nombreux fournisseurs de services publicitaires tiers, afin d’améliorer les campagnes mises en oeuvre sur sa plateforme, dont Criteo, acteur français de la publicité en ligne. De 2012 à 2016, Meta a mis à disposition de ces intermédiaires sa technologie Facebook Ad Exchange (FBX), afin de leur permettre de participer à des enchères publicitaires sur ses inventaires, avant de prendre la décision de fermer FBX en 2016. En échange, l’entreprise a maintenu ses relations avec certains fournisseurs de services publicitaires tiers, dont Criteo, via des interfaces de programmation d’application (API). Parallèlement, Meta a créé un programme de certification de ces fournisseurs sur le groupe, le programme MBP. En 2018, il a retiré la mise à disposition de ces API, notamment auprès de Criteo. À la même période, ce dernier s’est également vu retirer son statut de partenaire MBP. Enfin et en parallèle, Meta a continué à développer ses propres services d’intermédiation publicitaire, et notamment son service de reciblage publicitaire. Dans ce contexte, Criteo n’a eu d’autres choix que de saisir l’Autorité.
Des engagements forts
Pour répondre aux préoccupations de concurrence exprimées, Meta a proposé une première série d’engagements, qui ont fait l’objet d’améliorations substantielles avant d’aboutir à la version définitive telle qu’acceptée par l’Autorité. En substance, les engagements prévoient que Meta s’engage à : • proposer l’accès à son programme de partenariat MBP aux entreprises actives dans le domaine des services publicitaires sur la base de critères objectifs, transparents et prévisibles ; • dispenser à ses équipes commerciales une formation de conformité qui portera sur le contenu des communications de ces équipes, en particulier vis-àvis des clients annonceurs ; • développer une nouvelle interface à destination des prestataires publicitaires pour leur permettre de transmettre des requêtes individualisées pour des recommandations de produits ou des ajustements de montants d’enchères. Ces engagements seront supervisés par un mandataire tiers, chargé de leur contrôle.
Un signal pour les acteurs du secteur
Sur la base de ces engagements, Criteo pourra se voir réintégré dans le programme MBP dans les 3 prochains mois et sera à nouveau en mesure d’utiliser pleinement ses solutions publicitaires au bénéfice de ses clients annonceurs sur le réseau social exploité par Meta. D’un point de vue plus global, cette décision constitue un très bon signal pour les acteurs du secteur de la publicité en ligne, et même du digital en général, notamment pour les trois raisons principales suivantes : • le bénéfice d’une procédure rapide, particulièrement appréciable dans le secteur numérique où le rythme des évolutions et le dynamisme du marché rendent les procédures traditionnelles parfois inadaptées. Un tel constat a par ailleurs été confirmé cinq jours plus tard, par l’Autorité, acceptant les engagements proposés par Google dans l’affaire des droits voisins ; • la défense d’un internet ouvert et transparent, avec l’exigence de la mise en place de critères d’accès non discriminatoires, transparents et objectifs, qui n’ont pas pour objet de favoriser les propres services de l’opérateur en cause. Une telle approche a par ailleurs également été semble-t-il validée par la cour d’appel de Paris dans sa décision du 7 avril dernier dans l’affaire Gibmédia ; • enfin, il convient de saluer la décision particulièrement développée et didactique de l’Autorité, présentant de manière claire le secteur de la publicité en ligne et le rôle des différents acteurs, qui vient parfaitement compléter les divers travaux entrepris à ce sujet, et notamment l’Avis 18-A-03 de l’Autorité et du Bundeskartellamt.