Une nouvelle compétence juridictionnelle en matière d’expulsion ?
En matière d’expulsion d’un local commercial, la compétence d’attribution est une compétence exclusive puisque seul le tribunal judiciaire (ou le président du TJ saisi en référé) est compétent pour connaître de ces questions (articles R.211-3-26 11° et R.211-4 code de l’organisation judiciaire).
Que se passe-t-il lorsque le preneur a quitté les lieux sans en informer son bailleur et que le local est occupé par des squatters ? À quelle juridiction le bailleur doit-il s’adresser pour procéder à l’expulsion des occupants sans droit ni titre d’un local commercial ? Devant le tribunal judiciaire, en raison de la nature du local occupé ? Ou bien devant le juge des contentieux de la protection par application de l’article L.213-4-3 du code de l’organisation judiciaire ? Quel est le critère qui prévaut : la nature du local occupé ou la nature de l’occupation par les squatters ?
Depuis le 1er janvier 2020, le contentieux de l’expulsion des immeubles bâtis est confié au juge des contentieux et de la protection (JCP). La notion d’immeuble bâti n’est pas cantonnée aux immeubles d’habitation et comprend également les immeubles à usage de bureaux ou les entrepôts. En effet, la jurisprudence est claire sur ce point : la circonstance qu’à l’origine, les locaux ne soient pas destinés à l’habitation, est totalement inopérante. La compétence de cette juridiction s’étend donc à l’expulsion des locaux qui, bien que n’étant pas normalement à usage d’habitation, le sont de fait. L’expulsion d’occupants sans droit ni titre d’un immeuble à usage d’habitation a, de tout temps, été de la compétence de l’ancien tribunal d’instance (nouveau JCP).
La nouveauté est que le JCP puisse se considérer compétent lorsqu’il s’agit de l’occupation de locaux commerciaux. L’expulsion des occupants sans droit ni titre de terrains non bâtis, en ce compris les voiries, (anciennement dévolues aux tribunaux de grande instance) relève également, depuis le 1er janvier 2020, de la compétence du JCP. La question qui s’est posée récemment devant le JCP de la chambre de proximité de Lyon1 a donc été tranchée au profit de la compétence de cette juridiction, même lorsque le local occupé sans droit ni titre était régi par un bail commercial. Cette position est intéressante au regard des termes de la circulaire du 22 janvier 2021 relative à la réforme de la procédure administrative d’évacuation forcée en cas de squat (NOR : LOGL2102078C), circulaire d’application de la loi n° 2020-1525 dite Asap (d’Accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre 2020), qui précise que : « La notion de domicile doit être entendue ici au sens de la jurisprudence pénale amenée à statuer sur l’application de l’article 226-4 du code pénal, et non au sens du droit civil : il s’agit du « lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux »».
Aussi, la circulaire d’application renvoiet- elle à la jurisprudence d’application de l’article 226-4 du code pénal définissant le domicile comme « Le lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux ». La circulaire précise également que le logement doit comporter des éléments de mobilier nécessaires à l’habitation, ce qui pourrait là encore être source de difficultés. Il convient donc de saisir le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire territorialement compétent (ex-tribunal d’instance) aux fins d’obtenir une décision d’expulsion des occupants sans titre et de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation des lieux. Si les lieux sont bâtis et constituent une habitation, même s’il s’agit d’entrepôts industriels, dès lors que des matelas ont été installés, le JCP sera compétent. Une subtilité à connaître donc en matière d’expulsion de squatters qui viendraient à occuper un local commercial !