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Un nouveau cadre européen pour lutter contre le travail forcé

Par Xavier Haranger et Charles Herzecke, avocats, cabinet Morgan Lewis & Bockius

Commission européenne, engagée dans la promotion de pratiques commerciales responsables, a présenté, le 14 septembre dernier, son projet de règlement visant à bannir les produits issus du travail forcé du marché de l’Union Européenne (UE)1. Ces travaux s’inscrivent dans la lignée d’autres projets tels que les directives sur le devoir de vigilance et sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

Une optique différente de celle de la récente loi américaine

Le projet européen prévoit que « Les opérateurs économiques ne mettent pas sur le marché de l’Union, ou ne mettent pas à disposition sur le marché de l’Union, des produits issus du travail forcé, et n’exportent pas de tels produits »2. Ce texte, dont le champ d’application est large, ne cible ainsi ni industrie, ni pays, ni entreprise spécifique. Il diffère en cela de la récente loi américaine, en vigueur depuis le 21 juin 2022, sur la prévention du travail forcé des Ouïghours3, qui pose une présomption selon laquelle tout produit en provenance de la région du Xinjiang (Chine) est fabriqué en ayant recours au travail forcé et ne peut être importé sur le territoire américain. Cette présomption ne peut être écartée que si l’entreprise démontre que ses produits n’ont pas été fabriqués en violation de ce texte.

Enquêtes et contrôles des États membres

En Europe, en l’absence de présomption, il appartiendra aux autorités compétentes de chaque État membre de réaliser des enquêtes et des contrôles afin de caractériser la violation du futur règlement européen. Ces inspections pourront porter sur les sous-traitants intervenant à différents niveaux de la chaîne d’approvisionnement y compris dans des pays tiers, à condition d’obtenir l’accord desdits pays tiers et des opérateurs économiques concernés. Les enquêteurs adopteront une approche fondée sur le risque qu’un opérateur économique soit en violation du règlement au regard d’un ensemble d’informations mis à leur disposition (informations provenant d’organisations internationales ou d’ONG, zone géographique ou activité à risque, taille de l’opérateur concerné, quantité de produits concernés, etc.). Le règlement prévoit d’ailleurs la création d’une base de données rassemblant toute information utile (notamment sur les lieux et les produits à risque) qui servira de plateforme de coordination et de coopération entre les différentes autorités compétentes et la Commission.

Sanctions

S’il est établi qu’un produit a été fabriqué en ayant recours au travail forcé, celui ne pourra être vendu dans ou hors de l’UE. S’il est déjà sur le marché, il devra être retiré et détruit aux frais de l’opérateur économique, l’interdiction perdurant jusqu’à ce que celui-ci démontre qu’il s’est conformé à la décision et qu’il a éliminé le travail forcé de ses opérations ou de sa chaîne d’approvisionnement. Les autorités compétentes et les douanes devront ainsi collaborer étroitement pour garantir la solidité du système en s’appuyant notamment sur la base de données précitée. Ajoutons que les sanctions, qui devront être « effectives, proportionnées et dissuasives »4, seront déterminées par chacun des États membres et qu’un mécanisme de reconnaissance mutuelle des décisions de chaque État membre devrait assurer une exécution uniforme de ce texte. Ainsi, une décision relative à un produit s’appliquera dans les autres États membres s’il s’agit du même produit ou de la même chaîne d’approvisionnement.

Entrée en vigueur et perspectives

Ce projet, qui doit encore être discuté et approuvé par le Parlement européen et le Conseil, devrait s’appliquer deux ans après son entrée en vigueur, laissant le temps aux entreprises de vérifier leur chaîne de production afin de se conformer à ces nouvelles règles. Avec ce règlement, l’UE entend poursuivre le renforcement de son arsenal législatif sur le respect, par les entreprises, des droits humains, déjà initié dans les directives (non encore adoptées) relatives à la publication d’informations et au devoir de vigilance en matière de développement durable5.