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Subventions étrangères : la Commission européenne s’immisce dans les procédures de commande publique

Par Par Étienne Amblard, associé droit public, et Pierre Galmiche, counsel droit de la concurrence, Aramis

Le Règlement n° 2022/2560 du 14 décembre 2022 relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur (ci-après, le « RSE ») entre en vigueur. Il impose des nouvelles obligations de notification préalables à la Commission européenne pour certaines opérations de concentration ainsi que certains appels d’offres à très forte valeur, ce qui constitue une nouveauté que les candidats à la commande publique et acheteurs publics doivent dès maintenant appréhender et maîtriser.

La Commission a indiqué que l’obligation de notification du RSE devrait s’appliquer aux appels d’offres lancés à compter du 12 juillet 2023 et qui prévoient une date de soumission (candidature ou offre) postérieure au 11 octobre 2023.

Qu’est-ce qu’une subvention étrangère ?

Le contrôle de la Commission porte sur les aides financières accordées par un pays tiers qui accorde un avantage à une ou plusieurs entreprises actives sur le marché européen et qui sont ainsi susceptibles de fausser la concurrence. Elles peuvent prendre différentes formes (subventions, prêts, renonciation à des recettes fiscales, etc.).

Cependant, les critères de notification sont fondés non pas sur la valeur des subventions étrangères reçues par l’entreprise, mais par la valeur des contributions financières reçues par cette dernière de la part de pays tiers. Cette notion est plus large : elle vise tout transfert de fonds, abandon de recettes normalement exigibles ou fourniture/achat de biens ou de services qu’ils accordent ou non un avantage. En particulier, cela inclut les contrats de vente à une entité publique, même si les conditions de la vente sont conformes aux conditions normales de marché.

Marchés publics (ou concessions) supérieurs à 250 M€

Au cours des appels d’offres, la notification est obligatoire si deux critères sont remplis :

• valeur du marché public : celle-ci doit être supérieure à 250 M€, ou, en cas d’allotissement, à 125 M€ pour un lot ;

• contributions financières : le soumissionnaire, ainsi que ses principaux sous-traitants (ceux dont la mission porte sur des éléments clés de l’exécution du contrat et/ou dont la contribution est supérieure à 20 % de la valeur de l’offre) doit avoir reçu plus de 4 M€ de contributions financières au cours des trois dernières années.

Si le seuil de valeur du contrat est franchi mais pas le seuil de contributions financières, le soumissionnaire doit transmettre à l’acheteur public une simple déclaration énumérant l’ensemble des contributions financières de pays tiers. La déclaration permet d’informer la Commission européenne qui pourra le cas échéant faire usage de ses pouvoirs généraux d’enquête.

Le candidat soumis à une obligation de notification transmet (à l’appui de sa candidature et/ou de son offre) le dossier de notification à l’acheteur public qui se charge ensuite de le transmettre “sans tarder” à la Commission européenne.

La notification est ainsi un processus complexe impliquant la participation active de l’opérateur économique et de l’acheteur public aux différents stades de l’appel d’offres. La Commission doit mener son analyse préliminaire (phase 1) dans un délai de 20 jours ouvrables. Si besoin, elle peut ouvrir une analyse approfondie (phase 2) d’une durée de 110 jours (en cas de procédure en plusieurs étapes, la procédure ne peut pas durer plus de 90 jours).

Sanctions

Si la Commission européenne (qui reçoit la notification) juge que la subvention porte atteinte à la concurrence, elle pourra interdire l’attribution du marché public à l’entreprise bénéficiaire (sauf si celle-ci soumet des engagements remédiant aux problèmes identifiés) et l’acheteur public devra alors recourir au candidat arrivé en seconde position.

Le non-respect de la réglementation par l’opérateur expose ce dernier à des amendes (jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial du groupe) ainsi qu’à l’irrégularité de son offre. Côté acheteur public, il est à craindre que ce non-respect des obligations de notifications par celui-ci expose aussi à des risques d’irrégularité des procédures d’appel d’offres sur le terrain de la méconnaissance de l’égalité de traitement notamment. Nul doute que le juge administratif sera prochainement saisi de recours sur ces sujets.

Un impératif d’anticipation

Les candidats et acheteurs publics doivent rapidement s’approprier la nouvelle réglementation.

Les candidats soumissionnant à des procédures d’appels d’offres pour des valeurs importantes doivent suivre les contributions financières qu’elles reçoivent d’États tiers. C’est un travail compliqué et qui demande du temps ; il est donc important de l’anticiper, et ce même si les contributions financières sont inférieures aux seuils de notification.

Pour les acheteurs publics, les obligations de notification doivent être au plus vite intégrées dans les règles d’appel d’offres afin de sécuriser leur déroulement et leur calendrier.