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Sanction record contre la Banque Postale : Pourquoi l’ACPR a-t-elle été aussi sévère ?

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1383 du 04 février 2019
Par Martin Le Touzé, of counsel, Herbert Smith Freehills

Par une décision datée du 21 décembre 2018, la Commission des sanctions de l’ACPR a infligé un blâme et une sanction pécuniaire de 50 millions d’euros à la Banque Postale pour différents manquements à ses obligations en matière de lutte contre le financement du terrorisme.

Cette sanction particulièrement sévère s’inscrit dans un courant jurisprudentiel de grande fermeté à l’encontre des institutions financières, lesquelles sont clairement en première ligne dans la lutte contre le financement du terrorisme.

Cette décision vient parachever la jurisprudence du régulateur en matière de LCB-FT, dont les sanctions n’avaient jusqu’à présent jamais dépassé 10 millions d’euros. Trois grands enseignements peuvent être tirés de cette décision.

Le dispositif de LCB-FT des institutions financières doit être adapté à la menace terroriste

à la lecture de la décision, on comprend clairement que l’ACPR sera désormais intransigeante à l’égard des institutions financières sur les questions de lutte contre le financement du terrorisme.

Déjà, au mois de mars  2018, la Commission avait sanctionné sévèrement, à hauteur de 8 millions d’euros, un établissement de crédit pour manquement à ses obligations en matière de suivi des relations d’affaires. En l’espèce, l’établissement n’avait pas détecté le comportement suspect d’une cliente qui avait souscrit un crédit à la consommation et qui avait, par la suite, procédé à des retraits d’espèce massifs sur son compte. La Commission des sanctions a considéré que l’établissement aurait dû détecter cette activité inhabituelle au vu des éléments de connaissance dont il disposait sur cette cliente, notamment de ses demandes de déplafonnement de carte de crédit, de sa proximité avec une personne détenue pour des faits de terrorisme, du fractionnement de ses retraits dans plusieurs agences etc. Par ailleurs, la Commission a estimé que ces retraits étaient suspects et que l’établissement aurait dû faire une déclaration de soupçon auprès de TRACFIN. Dans sa décision à l’encontre de la Banque Postale, la Commission s’est intéressée à l’obligation ultime en matière de lutte contre le financement du terrorisme, à savoir le filtrage des clients faisant l’objet d’une mesure de gel des avoirs. La Commission a rappelé de façon solennelle, que le filtrage de la clientèle doit se faire systématiquement avant l’exécution d’une opération. En l’espèce, des opérations de transfert de fonds ont été réalisées par l’intermédiaire de la Banque Postale au bénéfice de personnes potentiellement inscrites sur la liste de gel des avoirs.

Les institutions financières doivent être particulièrement réactives dans la mise en place des mesures correctives

La Commission a également retenu une circonstance aggravante tenant au fait que l’établissement n’a pas été en mesure de mettre en place des actions correctives lorsqu’il a réalisé, en interne, que son système de filtrage n’était pas conforme à la réglementation. D’après la décision, les premières actions correctives ont été mises en place près de cinq ans après la découverte des faits, soit de façon beaucoup trop tardive selon la Commission.

La France sera réévaluée par le GAFI en 2020

Enfin, on peut supposer que la sévérité de cette décision s’explique également par le fait que la France sera réévaluée par le GAFI en 2020. Dans la perspective de cette réévaluation, dont la dernière datait de 2011, les autorités françaises veulent très vraisemblablement faire preuve d’une intransigeance absolue sur l’application des règles de LCB-FT par les assujettis.

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