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Projet de directive ATAD 3 : lutter contre les entités écran à des fins fiscales

Par Christine Daric, associée, cabinet BCLP

Le 22 décembre 2021 la Commission européenne dévoilait un projet de directive qui poursuit un objectif clair : empêcher l’utilisation abusive d’entités « écran » ou « relais » dépourvues de substance aux fins d’obtention d’avantages fiscaux. Ce texte entend harmoniser les critères de substance minimum pour les entreprises établies dans l’Union européenne (UE) et déterminer les conséquences fiscales pour celles qui contreviendraient à ces critères.

ATAD 3 introduit un test de substance minimale, via plusieurs critères qui, s’ils sont remplis, emportent une obligation de déclaration, un échange d’information entre administrations fiscales et des conséquences fiscales dissuasives. Sont visées les entreprises résidentes de l’UE à l’exclusion des sociétés cotées, des entreprises réglementées ou avec plus de cinq salariés.

Si plus de 75 % des recettes des deux derniers exercices sont des revenus passifs (dividendes, intérêts, loyers, etc.), si l’entité détient plus de 60 % d’actifs étrangers ou perçoit plus de 60 % de revenus cross-border, et si la gestion courante et la prise de décision sont externalisées, l’entité est soumise à une obligation déclarative et devra joindre à sa liasse fiscale certaines pièces permettant à l’entité de démontrer qu’elle remplit les tests de substance minimale. Un deuxième test permet d’exonérer temporairement l’entité de cette obligation si elle répond négativement à la question suivante : l’existence de l’entité réduit-elle la charge fiscale du groupe et bénéficiaire(s) effectif(s) ? Si la réponse est positive, un échange d’information s’appliquera entre les États membres concernant l’entité et il conviendra de vérifier si l’entreprise remplit les trois tests de substance minimale suivants :

■ les locaux à usage exclusif : l’entité doit posséder ses propres locaux ou disposer de locaux réservés à son usage exclusif ;

■ le compte bancaire : l’entité doit détenir au moins un compte bancaire actif propre dans l’UE ;

■ le pouvoir de décision : l’entité doit avoir des administrateurs ou une majorité de salariés résidents dans l’UE avec un pouvoir de décision qu’ils exercent.

Les conséquences du non-respect de ces conditions

Si l’un des critères n’est pas rempli et si l’entité n’est pas en mesure d’apporter la preuve qu’elle est utilisée pour des raisons valables, elle est considérée comme une société écran. Elle ne pourra plus bénéficier des avantages des directives de l’UE ni des dispositions favorables des conventions fiscales. Son état d’immatriculation lui refusera la délivrance d’un certificat de résidence fiscale ou y précisera qu’elle est une entité écran. Les pays de la source des revenus seront informés et pourront refuser d’appliquer les dispositions conventionnelles ou de l’UE aux dividendes, intérêts, redevances et autres revenus versés à cette entité écran. À ce titre, l’échange d’informations s’appliquera entre les pays. Des sanctions administratives à préciser dans la transposition de la directive en droit interne s’appliqueront (5 % du CA en cas de violation de l’obligation de déclaration ou de fausse déclaration). Enfin les États membres pourront demander à l’État membre de l’entité de diligenter un contrôle fiscal lorsqu’ils considèrent qu’une entité n’a pas respecté ses obligations au titre de la directive.

Les zones d’ombre du projet de directive ATAD 3

Il faut parier que la transposition en droit français de la directive durcira les critères. La question des locaux à usage exclusif fait déjà débat car une holding n’a que rarement besoin de locaux à usage propre – ceux-ci faisant souvent l’objet d’un partage entre sociétés d’un même groupe. Il est ainsi recommandé de mettre en place des contrats de sous-location entre sociétés appartenant à un même groupe pour remplir cette condition. L’influence d’ATAD 3 sur la notion de « bénéficiaire effectif », dont les contours commencent à peine à faire l’objet de décisions de jurisprudence, restera à déterminer. L’objectif de transposition est fixé au 30 juin 2023 pour une date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2024. Un délai trompeur puisque la période de référence est rétroactive sur deux ans. Sauf disposition contraire, le test de substance est susceptible de s’appliquer au 1er janvier 2022 ! Dès aujourd’hui, il est plus que recommandé d’auditer les structures et de procéder aux réorganisations nécessaires – comme l’internalisation des opérations de gestion courantes et des fonctions de direction.