Nouvelle version des Règles sur l’administration de la preuve de l’IBA : quels sont les enjeux ?
Le 17 décembre 2020, l’International Bar Association (IBA) a adopté une version révisée de ses Règles sur l’administration de la preuve dans l’arbitrage international. C’est la seconde révision de ces règles, adoptées en 1999 et modifiées une première fois en 2010.
Cette révision, relativement modeste, codifie certaines pratiques retenues par les tribunaux arbitraux internationaux et réglemente certaines nouveautés liées au développement des nouvelles technologies dans le cadre des procédures d’arbitrage, d’autant plus essentielles depuis que la Covid-19 a remis en question le principe des audiences en personne.
Qu’en retenir ? Les considérations de cybersécurité et de protection des données font dorénavant partie des sujets à traiter dans le cadre de l’administration de la preuve : la révision de 2010 avait acté l’importance pour les arbitres de consulter les parties dès le début de l’arbitrage sur les questions d’administration de la preuve en énumérant à titre indicatif une liste de sujets. La révision de 2020 ajoute à cette liste le traitement des questions de cybersécurité et de protection des données, répondant à la préoccupation de conformité aux régimes nationaux de protection des données (comme le RGPD en France) et à celle de la cybersécurité notamment dans le contexte des audiences virtuelles, dont la fréquence a explosé du fait de la pandémie (article 2.2. (e)).
La révision intègre l’impact de la Covid-19 sur les procédures d’arbitrage international : reconnaissance expresse des audiences à distance et mise en place d’un cadre pour lesdites audiences (article 8.2). Ce cadre consiste en un protocole d’organisation de l’audience dont la liste des points à traiter reflète les difficultés rencontrées par les praticiens (technologie à utiliser, règle de présentation des documents à distance, protection des témoins témoignant à distance de toute influence, articles 8.2 (a)-(e)).
Les nouvelles règles codifient certaines pratiques afin de rendre plus efficace l’administration de la preuve : tout en maintenant le principe de la phase de production de documents déjà encadrée dans les Règles, la révision de 2020 en précise certains aspects. Il est désormais prévu qu’il peut être répondu par la partie demandant la production de documents aux objections de la partie adverse et que le tribunal prendra en compte l’ensemble de ces échanges dans sa décision sur la production de documents. Ces échanges permettent, en pratique, d’ajuster et de réduire les demandes de production de documents dans un souci de bonne administration de la procédure. Dans cet esprit, l’insertion d’une disposition (article 3.12(d)) prévoyant que l’obligation de traduction des pièces dans la langue de la procédure ne vise que les pièces et pas les documents produits dans le cadre de la production de documents est bienvenue. Autre pratique visant à déjouer certaines tactiques procédurales quelquefois préjudiciables à la bonne administration de la preuve, les Règles admettent dorénavant qu’une partie peut faire témoigner oralement son témoin même lorsque la partie adverse a renoncé à le contre-interroger (article 8.5). Elles autorisent également les arbitres à exclure de la procédure des éléments de preuve obtenues illégalement (article 9.3).
Pour mémoire, ces règles sont des lignes directrices donc non obligatoires sauf accord spécifique des parties. Quoique concurrencées fin 2018 par la publication du Règlement de Prague sur l’administration de la preuve, revendiqué comme plus « civiliste » avec des tribunaux arbitraux disposant de pouvoir d’inquisition plus importants, les Règles IBA restent les plus largement appliquées à l’administration de la preuve dans les arbitrages internationaux.
Cette révision démontre la vitalité et le modernisme des Règles IBA ce qui devrait leur permettre de conforter leur place hégémonique dans l’administration des procédures d’arbitrage international, qu’elles soient d’obédience civiliste ou de common law.