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Mise en place de dispositifs de compliance et création de valeur

Par Par Clothilde Hennequin, counsel, cabinet BCTG

Depuis 2016, de nombreux dispositifs de compliance ont été déployés par les entreprises françaises aux fins de défendre les objectifs d’intérêt général (lutte contre le blanchiment d’argent, la corruption, les atteintes aux droits de l’homme ou à l’environnement). Perçus initialement comme « lourds » en raison des moyens humains et financiers requis (création d’un pôle compliance en interne, appui de cabinets externes, adoption d’outils informatiques), ces dispositifs constituent finalement des outils de création de valeur permettant aux entreprises de limiter leurs risques et de favoriser leur croissance.

Outil de prévention des risques

Un dispositif de compliance permet de prévenir ou à tout le moins de limiter les risques d’atteinte à l’intérêt général et tout risque associé (légal, réputationnel, humain et financier).

Tout d’abord, le déploiement d’un dispositif de compliance étant une obligation légale, toute société peut – en cas de dispositif inexistant ou insuffisant – se voir infliger des sanctions administratives à la suite de contrôles menés par les autorités administratives compétentes ou se voir attraite devant les juridictions civiles. À ce titre, la Cour de cassation a jugé que le non-respect des obligations LCB-FT par un assujetti conférait à ce dernier un avantage concurrentiel indu pouvant être constitutif d’un acte de concurrence déloyale (27 sept. 2023, n°21-21.995) et les arrêts de la cour d’appel de Paris du 18 juin 2024 ont rappelé qu’en cas de manquement par une entreprise à son devoir de vigilance, toute association a intérêt à agir si son objet statutaire est suffisamment précis ainsi que toute commune ou région si elle peut justifier d’une atteinte spécifique à son territoire.

En outre, tout manquement en compliance expose la société concernée non seulement à un risque de sanctions pénales sévères, même en cas de recours à une convention judiciaire d’intérêt public (amende allant jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires annuel), mais également à un risque médiatique – exacerbé par les réseaux sociaux - dégradant l’image et la réputation de la société vis-à-vis de ses parties prenantes.

Ces manquements peuvent induire des licenciements en interne (directeurs n’ayant pas permis le déploiement du dispositif), l’exclusion de la société des appels d’offres et marchés publics ou encore des ruptures contractuelles. Le Conseil d’État a ainsi jugé qu’un acheteur public pouvait exclure de la procédure de passation d’un marché un candidat ayant, dans le cadre de cette procédure ou d’autres récentes, entrepris d’influencer sa prise de décision (16 fév. 2024, n° 488524) et la cour d’appel de Paris a confirmé que les manquements graves en compliance justifiaient la rupture des relations commerciales (13 mars 2019, n° 17/21477 et 24 mars 2021, n° 19/15565).

Outil de croissance

Le dispositif de compliance constitue, pour l’entreprise, tant un outil de management encadrant les objectifs éthiques à respecter par les collaborateurs (code de conduite, formations) et les moyens de détection (alerte interne, audit interne) et de remédiation (régime disciplinaire) qu’un vecteur de confiance, de compétitivité et d’attractivité vis-à-vis de ses parties prenantes.

D’une part, les collaborateurs – particulièrement les jeunes recrues – sont très sensibles aux actions éthiques réalisées par leur employeur. Le sondage de 2023 commandé à Harris Interactive par le collectif « Pour un réveil écologique » démontre que, face à une entreprise prenant insuffisamment en compte les enjeux environnementaux, 70 % des jeunes de 18 à 30 ans renonceraient à postuler et, pour ceux en poste, plus de la moitié pourraient démissionner.

D’autre part, les interlocuteurs de l’entreprise, eux-mêmes soumis à la compliance, exigent de celle-ci qu’elle apporte de solides garanties en la matière. Face à une concurrence accrue, la démonstration d’un dispositif robuste permet de se démarquer et de pérenniser son activité.

Enfin, le contrôle de l’intégrité des tiers et le recours à l’insertion de clauses de compliance imposés par ces dispositifs sécurisent l’entreprise quant au fait de travailler avec des cocontractants vertueux et d’empêcher la survenance de manquements lors de l’exécution du contrat, réduisant ainsi les coûts juridiques.

La mise en place d’un dispositif de compliance est donc en passe de devenir, à l’instar du « contrat », la nouvelle arme juridique indispensable des entreprises. T

C. Hennequin