L’extension de la présomption de salariat des mannequins au sponsoring
Pour de nombreuses entreprises, la signature de contrats de sponsoring avec des personnalités publiques portant leurs produits constitue une part importante de leur stratégie de développement commercial. Cela est particulièrement vrai entre les athlètes et les équipementiers sportifs.
Or, depuis quelques années, ce modèle économique est battu en brèche par l’extension toujours plus importante de la présomption de salariat des mannequins, par le juge, à ces relations, pourtant conçues par les acteurs comme purement commerciales.
C’est en ce sens qu’un pas important avait déjà été posé par un arrêt du 12 mai 2021 par la 2e chambre civile de la Cour de cassation, qui avait reconnu l’application de cette présomption de salariat des mannequins au sportif lié par un contrat de sponsoring de sorte que, sauf pour l’employeur à démontrer l’absence de lien de subordination, les sommes versées avaient un caractère salarial et devaient être soumises à cotisations sociales. Cette décision se fonde sur une analyse stricte du code du travail instaurant une présomption de salariat au profit des mannequins, mêmes occasionnels, définis comme chargés :
▪ soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;
▪ soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image. Dans cette continuité, par un arrêt du 23 juin 2022 n° 21-10.416 la 2e chambre civile s’est prononcée sur les clauses du contrat de sponsoring permettant de qualifier le salariat. Ainsi, la Cour rappelle tout d’abord que la présentation directe au public de produits par un sportif à l’occasion de diverses manifestations, et notamment d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition entre dans le champ de la présomption de salariat susvisée.
Mais, allant plus loin, elle souligne les clauses du contrat permettant de considérer que le sportif est un salarié mannequin. Elle constate tout d’abord qu’en l’espèce le contrat prévoit l’obligation d’effectuer un travail constitué par la participation à une photographie de groupe, au port d’un équipement complet lors des compétitions et des apparitions publiques en lien avec l’activité sportive, la participation à des activités de promotion et d’un challenge organisé par le sponsor. Elle souligne à ce titre qu’il importe peu que les activités promotionnelles ne se déroulent que cinq fois par an et soient définies en concertation avec le sportif ou son entraîneur. Plus encore, la Cour de cassation relève que le contrat prévoit une obligation d’exclusivité dans la représentation des produits de la société par le nageur. Elle souligne également que l’équipementier disposait de pouvoirs de sanction importants à la fois par le niveau des sanctions pécuniaires prévues en cas de manquement au contrat, mais également par le fait ces sanctions ne concernaient pas uniquement la relation commerciale mais s’étendaient à l’hypothèse où le nageur serait contrôlé positif au dopage.
Ce faisant, la Cour qualifie la relation en contrat de travail en usant de deux types de clauses essentielles au modèle du sponsoring que sont : l’exclusivité, permettant l’identification unique d’un sportif à une marque, et les clauses visant à rompre le contrat en cas de détérioration de l’image du sportif, centrales à la protection de la marque. Par ce biais, la Cour remet directement en cause l’utilité économique même du contrat de sponsoring pour l’équipementier qui veut recourir à ce contrat sans être dans une relation de salariat. La 2e chambre civile de la Cour de cassation ne se s’étant prononcée que sur le volet du paiement de cotisations sociales, on peut s’interroger sur la position que prendra la chambre sociale, tant une requalification du contrat de sponsoring en contrat de travail poserait des problèmes de mise en oeuvre pratique (rémunération, durée du travail, rupture du contrat…). Reste pour les équipementiers à analyser le risque afférent à leurs contrats de sponsoring ou, a minima, à prendre conscience de l’existence de tels risques lorsqu’ils envisagent de signer ces contrats en France.