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L’évolution économique récente des pays d’Afrique et les enjeux actuels liés à l’accord de libre-échange continental ZLECAf

Par David Hountondji, avocat, cabinet DS Avocats

Les indicateurs économiques montrent que les pays africains peuvent globalement se réjouir de la résilience dont font montre leurs économies. Avec le deuxième taux de croissance économique le plus important en 2024 derrière l’Asie, selon les chiffres de la Banque Mondiale, le continent africain a des raisons d’afficher un certain optimisme. 

Toutefois, et comme indiqué dans le rapport « Performances et perspectives macroéconomiques » de janvier 2025 de la Banque africaine de développement (BAD), cet optimisme doit être tempéré par la prudence. En effet, derrière ce classement encourageant, et derrière des difficultés communes à tous les pays quasiment (déficits en infrastructures, changement climatique, inflation, défi énergétique, endettement public, décisions récentes concernant l’aide au développement américaine…), se cachent de grandes disparités. On relève pour l’Afrique de l’Est un taux de croissance prévisionnel pour 2025 de 5,7 % contre 2,6 % pour l’Afrique australe (1). Certaines régions, comme le Sahel doivent, en plus des défis identifiés, faire face au terrorisme.

L’analyse du rapport « Performance et perspective macroéconomique » de 2025 présente les évolutions des sous régions africaines ainsi :

l’Afrique de l’Est a enregistré les taux de croissance les plus importants du continent en 2024. La croissance est portée notamment par les investissements privés et par la reprise des exportations de pétrole brut au Soudan ;

on devrait assister en Afrique du Nord à une reprise de la croissance qui devrait être portée notamment par la Lybie, par l’Egypte et par le Maroc ;

en Afrique australe, la région profitera des belles performances réalisées par la Zambie, le Zimbabwe et en Eswatini ;

en Afrique centrale, en revanche, les précisions montrent un léger ralentissement en 2025, qui fera passer la croissance de 4 % en 2024 à 3,9 % en 2025 avant de remonter en 2026 si la reprise attendue en Guinée-Bissau se confirme et que la République démocratique du Congo poursuit sa croissance ;

en Afrique de l’Ouest, tous les pays devraient connaitre une croissance supérieure à 5% en 2025, à l’exception du Ghana, du Nigéria et de la Sierra Leone.

Il ressort des prévisions de la BAD que la tendance en matière de croissance est plutôt à la hausse, si l’on prend le continent dans sa globalité. Toutefois, les disparités subsistent et les difficultés relevées plus haut constituent un frein. La part du commerce intra-africain dans le commerce mondial qui ne s’élevait qu’à 13,7 % en 2022(2) en est une bonne illustration. Pour pallier ces difficultés, une intégration économique plus poussée semble nécessaire, et c’est notamment dans cette perspective qu’il convient d’appréhender les enjeux de l’accord de la Zone de libre-échange continentale africaire (ZLECAf).

Entré en vigueur le 30 mai 2019, l’accord de la ZLECAf, zone de libre-échange la plus grande du monde, ambitionne d’éliminer les droits de douanes, de promouvoir le développement de chaines de valeur régionales et un développement durable, pour la promotion des échanges intra-africains.

Ces objectifs, associés aux impératifs d’infrastructures de qualité liées au commerce et à l’élimination des barrières non tarifaires au commerce et à l’investissement, se retrouvent à l’article 3 de l’accord et irriguent tout le corpus de ce texte continental.

Même si la mise en œuvre est difficile, la ZLECAf se heurtant à un déficit en infrastructures, à l’instabilité politique de certains états et aux inégalités entre les états, le potentiel demeure immense.

De plus, l’accord ZLECAf prévoit en son article 19, son articulation efficiente avec les différentes communautés économiques régionales. En effet ses dispositions prévalent en cas de conflit, sauf si les états parties à l’accord, membres d’autres communautés économiques régionales, ont déjà atteint des niveaux d’intégration plus élevés.

Les défis auxquels sont confrontés les pays africains sont nombreux et protéiformes. L’accord de la ZLECAf dont le premier succès est de faire l’unanimité, peut être un formidable accélérateur des économies africaines. Celles-ci connaissent un tournant favorable, qui accompagne une appropriation de plus en plus marquante par l’Afrique, de sa propre destinée.